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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
L’âme superficielle condamnera sur cet incident, mais si nous
l’analysons plus en profondeur, nous découvrons là une « psyca‑
trice » : l’incident appuie sur un passé douloureux, qui pousse ins‑
tantanément à surréagir. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, c’est une
gigantesque peur du rejet, typique de son profil psychologique,
construite, entre autres, sur l’abandon du père et différents cas de
rejet par le groupe et les diverses figures d’autorité.
Si ce cas est célèbre en France, il ne doit pas nous faire oublier
que nous avons tous nos psycatrices. Hélas, elles ont une dynamique
beaucoup plus insidieuse que les cicatrices corporelles. Mettons que
j’aie une énorme cicatrice mal fermée dans la paume de la main :
une simple poignée de main me fera hurler de douleur. Je serai le
premier informé du risque et je pourrai prévenir mon interlocuteur
qu’il doit me serrer délicatement la main s’il ne veut pas m’infliger de
la souffrance. Dans le cas contraire, il y aura incident, mais on aura
tendance à considérer qu’il n’est pas vraiment de ma responsabilité.
Dans le cas d’une psycatrice, le porteur de la plaie en est le
dernier informé. C’est l’interaction avec les autres qui peut, s’il est
suffisamment mûr, lui révéler qu’il traverse la vie avec une flèche
plantée dans la tête tout en attribuant sa douleur au mal qu’il se
donne à réfléchir . Une cicatrice se voit, mais la seule façon de
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révéler une psycatrice, c’est de mettre le doigt dessus, ce qui pro‑
voque précisément une surréaction. Lorsqu’une personne réagit par
la violence, dans la rue par exemple, l’homme conditionné peine
à voir en elle la lente accumulation de frustrations ; il ne voit pas
en elle ce ressort tendu, et d’autant plus sensible qu’il a été com‑
primé longtemps ; alors il surréagit à son tour, verbalement ou
physiquement. C’est ainsi que se crée un gigantesque échange de
violence et de frustration en société, qui se transmet de parent à
enfant, de collègue à collègue, etc., depuis toujours. Plus la société
est frustrante, plus elle facilite les échanges de violence.
C’est bien beau d’avoir raison, encore faut- il survivre
« Celui qui sait ne juge pas, celui qui juge ne sait pas. » Dans une
société de plus en plus riche en interactions humaines, une telle sagesse
1. Selon l’expression d’Idries Shah, dans Le Moi dominant, Le Courrier du Livre,
1998.
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