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JOUER, TRAVAILLER, VIVRE…
                  fois plus grande que celle attribuée au piéton. Ce dernier finit par
                  en déduire que la ville n’est pas faite pour lui.
                    En 1961, dans Déclin et survie des grandes villes américaines,
                    l’urbaniste Jane Jacobs avait publié quatre règles simples pour
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                  rendre un quartier vivant . Ces conseils ne sont en rien respectés
                  par la plupart des campus périphériques français (Orsay, Polytech‑
                  nique, Parc d’innovation d’Illkirch…) ou par nos banlieues :

                       « Premièrement, encouragez l’émergence de rues vivantes et
                    intéressantes. Deuxièmement, faites du tissu de ces rues un réseau
                    aussi continu que possible à travers un district potentiellement de
                    la taille et de la puissance d’une “ville inférieure ”. Troisièmement,
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                    utilisez les parcs, les squares et les bâtiments publics comme
                    un élément essentiel de ce tissu de rues ; utilisez- les pour inten-
                    sifier et tricoter ensemble la complexité et les usages multiples
                    du tissu urbain. Quatrièmement, soulignez l’identité fonctionnelle
                    des espaces suffisamment larges pour fonctionner comme des
                    districts… Rien n’est plus impuissant qu’une rue seule, dont les
                    problèmes excèdent la puissance. »


                    Je retrouve dans les banlieues où j’ai grandi l’opposé exact des
                  conseils de Jacobs : des rues sans vie, des axes « impuissants », sans
                  signification ni culture, des ensembles homogènes de dortoirs
                  sans lieux de sortie, etc.
                    Avec l’agriculture urbaine, les murs végétaux, la biorémédiation
                  (l’art de dépolluer des lieux en utilisant des organismes), et les
                  fermes verticales, la terre revient peu à peu dans les villes. Dans son
                  projet intitulé Oyster‑ tecture, l’architecte Kate Orff a notamment
                  pour objectif de dépolluer le Gowanus Canal de New York avec des
                  huîtres. L’enjeu est également de construire une cité neuroergono‑
                  mique, qui serait certainement une « cité fertile » (pour reprendre
                  l’expression du génial architecte Vincent Callebaut), parce que s’il



                    1.  Ces règles ont été récemment confirmées par la plus vaste étude sur le sujet à Séoul :
                  http://grist.org/cities/what‑ makes‑ a‑ city‑ great‑ new‑ data‑ backs‑ up‑ long‑ held‑ beliefs/.
                    2.  Sub- city ou « sous‑ ville ». Ce principe du village comme sous‑ unité de la ville,
                  qui évite au citadin d’être écrasé par des flux humains qui le dépassent, est vérifié
                  aujourd’hui dans les quartiers les plus courus de Paris comme la Butte‑ aux‑ Cailles,
                  Saint‑ Germain, Montorgueil ou la rue de la Montagne‑Sainte‑ Geneviève.

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