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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
Dans le jeu, la motivation est intrinsèque ; à l’école, la moti‑
vation est extrinsèque. Les élèves en souffrance sont comme des
voitures en panne sèche. Certains professeurs les ignorent ou les
punissent, d’autres essayent de les pousser, mais le seul moyen
de les faire repartir est de remplir leur moteur de motivation et
de mettre le contact. Certains penseront que l’élève est responsable
de sa propre motivation, et c’est peut‑ être acceptable après le lycée,
à un âge où l’élève moyen a le droit de voter, mais si l’on décrète
que les mineurs n’ont pas le discernement nécessaire au choix d’un
représentant politique, il faut accepter aussi de prendre sur nous
l’art de les motiver.
Les jeux maintiennent l’attention au‑ delà des limites découvertes
par Raja Parasuraman, c’est‑ à‑ dire que là où un opérateur mécanique
a déjà perdu son attention, un joueur de jeu vidéo, sur un jeu qui lui
plaît, sera encore attentif. Les jeux peuvent même développer l’atten‑
tion « dispersée » (la capacité à suivre du regard plusieurs objets à
la fois, par exemple, qui est importante aussi bien en chorégraphie
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que sur un terrain de football ). Malgré cela, on entend encore des
parents ou des professeurs déclarer dogmatiquement que « ce n’est
pas en jouant qu’on fait une grande école ». Pour entrer dans une
grande école, ce modèle d’excellence conforme qui n’a été copié par
aucun pays au monde et demeure illisible à l’étranger, jouer aux
jeux vidéo n’est peut‑ être pas indiqué ; mais pour intégrer Stanford,
UCLA, ou Caltech, être un geek, c’est un avantage. Le geek joue pour
apprendre et transforme son travail en jeu.
L’industrie du jeu vidéo est aujourd’hui un créateur d’emplois
qualifiés incontournable dans les pays de l’OCDE, et si l’école doit
préparer l’élève à son avenir professionnel, il est contre‑ productif
de ne pas l’y introduire . Concernant l’addiction, il faut bien sûr
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préparer l’élève à une consommation responsable et modérée – sans
oublier toutefois que le jeu vidéo induit moins de dépendance que le
sucre, le café ou l’alcool. Boire sans soif, sans recul et sans dévelop‑
per finement sa subjectivité n’est pas la façon idéale de consommer
un grand cru. Il en va de même du jeu vidéo, qui a lui aussi ses
1. Achtman, R. L., Green, C. S. et Bavelier, D., « Video games as a tool to train
visual skills », Restorative Neurology and Neuroscience (2008), 26, 435‑446.
2. Les jeux vidéos représentent la seule industrie culturelle qui ne soit pas en réces‑
sion en France, et la première industrie culturelle dans le monde, devant le cinéma.
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