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MARKETINg, POLITIQUE ET JOURNALISME
                  piste de travail est très intéressante, mais elle ne subit pas la même
                  pression évolutive qu’une vente en contact avec un marché, et c’est
                  pour cela qu’on laisse encore, à raison, le marketing à ses experts.
                    La base de la communication publicitaire, c’est la mémoire asso‑
                  ciative. Si vous voulez vendre un produit, vous devez l’associer à
                  quelque chose que les gens désirent mais qu’ils ne peuvent pas
                  avoir. Il est essentiel que les gens n’obtiennent jamais ce à quoi vous
                  associez votre vente, de sorte que la frustration soit permanente :
                  en d’autres termes, vous devez susciter la soif chez quelqu’un, et
                  lui vendre de l’huile à laquelle vous avez associé l’image de l’eau
                  fraîche. L’huile n’étanchera jamais la soif de votre client, puisqu’elle
                  n’est pas de l’eau, mais c’est le désir d’eau qui va la faire vendre. Il
                  va de soi que si le consommateur peut se procurer de l’eau directe‑
                  ment au prix de votre huile, votre business est menacé. C’est pour
                  cette raison qu’il ne doit jamais obtenir ce à quoi vous associez
                  votre produit (la liberté, la révolution, l’épanouissement…).
                    Lorsqu’il achète le produit, le client doit avoir inconsciemment
                  la sensation d’en avoir acheté l’aura associée. Un consommateur
                  n’achète donc pas un produit comme on achète une matière pre‑
                  mière, il achète son aura : le volume mental du produit est supé‑
                  rieur à sa seule utilité, de sorte qu’il occupe un espace émotionnel
                  bien supérieur dans l’esprit de l’acheteur, comme s’il était gonflé.
                  On pourrait d’ailleurs le prouver par l’imagerie cérébrale. L’art de
                  « gonfler » les produits par le jeu de la mémoire associative, c’est
                  l’un des arts du marketing. Et c’est à la mesure de cet espace que
                  l’acheteur établira sa willingness to pay (ou prix psychologique), qui
                  est le meilleur fixateur de prix ; bien meilleur, même, que l’offre
                  et la demande.
                    En effet, si l’offre est supérieure à la demande sur les biens de
                  consommation, on doit s’attendre à ce que leur prix baisse, puisqu’ils
                  sont produits en surplus. Or tout l’enjeu du marketing consiste à
                  les doter d’une aura supplémentaire pour doper la volonté de les
                  acheter au‑ delà de l’équilibre offre/demande. C’est l’une des raisons
                  pour lesquelles, de nos jours, on en vient à disqualifier la notion
                  d’Homo economicus, selon laquelle l’homme serait uniquement un
                  « agent maximisateur » en termes d’argent, qui prendrait ses déci‑
                  sions d’achat et de vente d’une façon mécanique, au meilleur de ses
                  intérêts. Ce que les neurosciences nous apportent aujourd’hui, c’est


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