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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
                  l’exposition médiatique. Comme tout le monde, j’avais tendance à
                  privilégier ma caste, et à lui donner a priori raison contre les autres,
                  sans réfléchir… Depuis, je ne me sens plus solidaire d’aucune caste.
                  Mon attitude a changé lorsque j’ai rencontré le paléoanthropo‑
                  logue Pascal Picq, maître de conférences au Collège de France. Cet
                  homme s’est vu reprocher maintes fois son exposition médiatique,
                  alors qu’elle n’est due qu’à son excellence à populariser la science.
                  Je me suis senti aussitôt une grande affinité avec lui. En France,
                  hélas, on ne dit pas « populariser », mais « vulgariser ». Tout en
                  découle. Populariser, c’est vulgaire et compromettant.
                    Cela peut paraître surprenant, mais j’ai souvent constaté que
                  des gens qui se piquaient de sérieux et de logique avaient ten‑
                  dance à fonder leur activité sur des croyances et des superstitions
                  qui ne disent pas leur nom. L’idée que la bibliométrie et la revue
                  a priori améliorent la science, par exemple, est une superstition
                  qui n’a jamais été démontrée par les moyens scientifiques mêmes
                  qu’elle publie. Elle est une pseudoscience non contradictible, mais
                  cela n’empêche pas la majorité des universitaires de s’y soumettre
                  aveuglément et de la citer dans leur curriculum vitæ.
                    Au fond, nos sciences n’ont qu’un empan minuscule – ce qui
                  n’est pas une critique mais une observation. L’objet de fabrication
                  humaine le plus éloigné de la Terre aujourd’hui est à peine sorti du
                  système solaire. Même par le signal lumineux, toute notre capacité
                  scientifique à influencer matériellement l’Univers est confinée à une
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                  sphère d’au mieux deux cent mille années‑ lumière  (et en vérité,
                  plutôt deux cents), dans un univers observable qui a lui‑ même
                  un rayon de quarante‑ sept milliards d’années‑ lumière. En gros, si
                  l’on suppose qu’un signal lumineux a été envoyé au ciel par le tout
                  premier homme, notre sphère d’influence sur l’Univers observable
                  représente au mieux 0,0000000000000077 % du volume de l’Uni‑
                  vers (quatorze zéros après la virgule) – en admettant, bien sûr, qu’il
                  n’existe pas d’univers parallèles… Face à un tel résultat, le plus
                  minuscule effort pour faire progresser la science dans l’humanité
                  devrait être immédiatement encouragé, et aucune science ou tech‑
                  nique ne devrait plus se montrer arrogante. J’ignore, du chercheur


                    1.  En supposant que le premier Homo sapiens sapiens ait envoyé un signal lumineux
                  précis au ciel.

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