Page 15 - Le grimoire de Catherine
P. 15

CHAMBOUL’TOUT



              Stupéfait, il saisit son portable : « Je suis dans le parc où se trouvait le château. Et tu ne
              devineras  jamais, tout  a disparu, à sa place, je ne vois qu’une  monstrueuse motte de
              terre. Il n’y a plus que des corbeaux et des pies   qui   tournoient !  Vérifie vite à la radio,
              si  un journaliste annonce ce qu’il s’est passé Je prends une journée de congé. Je veux
              comprendre. »
              Comme chaque matin, il l’avait attendu, au sommet de la côte. Il savait qu’il allait surgir,
              ce grand fantôme, au beau milieu  d’un paysage, à  chaque fois différent, peint par un
              aquarelliste  aux    multiples  palettes.  Ce    château,  son  château  de  cœur,  qui
              apparaissait,   tantôt  poudré  de  gouttes  de  brouillard,  tantôt  couronné    des  rayons  du
              soleil  ou  bien    encore  brodé  de  perles  de  pluie.  Ce  jour-là,  incroyable,  il  avait  fait
              fonctionner ses essuie-glaces, vérifier son trajet sur son GPS, rien ! Plus rien !
              A  partir  de    ce  moment,  il  comprit  qu’il  était  temps  de  faire  travailler  ses  méninges,
              d’oublier tout ce qui semblait acquis pour toujours, d’accepter de remplacer la logique
              par  la rêverie.

              Entrouvrons  la  porte  des  odeurs,  des  bruits,  des  sensations  nouvelles.  Il  nous  faut
              cesser de vouloir  dominer la nature, redevenons humble et qui sait, peut-être, pourrons
              nous accéder à une autre  perception du monde.

              Tandis qu’il réfléchissait ainsi, tapotant de son mocassin la terre fraîchement retournée,
              il aperçut  des dizaines de petits museaux pointant  vers lui, il s’accroupit et là se trouva
              face à de jeunes taupes piaffantes. Elles voulaient toutes parler en même temps, elles
              savaient, elles, ce qui était arrivé.

              Ce château  appartenait au comte de Saperlipopette. Il y vivait depuis  toujours, entouré
              de nombreux compagnons. Tous auraient pu être heureux dans cette cité aux valeurs
              démocratiques inscrites dans le grand texte des temps. L’harmonie aurait pu y régner si
              Saperlipopette  n’avait pas eu si  mauvais caractère. Lors de ses colères déferlantes,
              tonitruantes,  chacun  n’avait  d’autre      solution,  pour  se  garantir  les  oreilles,  que  de
              creuser, creuser le sol,  attendant que le cataclysme  s’éloigne.

              Or, il y a quelques  jours, une fois de plus, le comte ne se maîtrisa pas. Sa voix vibra
              comme un tocsin et tout le monde de gratter de gratter, qui avec les mains, qui avec les
              pieds ou encore avec les pattes peut-être encore plus fort qu’à l’accoutumée et…kraak,
              critch !

              Ce qui devait arriver, arriva. Tout bascula, le château, ses occupants, tout disparut sous
              terre !  Que faire,   sans  tenir   à  ce  récit  ou  fouiller    plus  dans    cette  histoire  à  dormir
              debout ?  Hum ces taupes semblaient bien sincères ! Il décida de leur faire confiance et
              de s’engager dans cette aventure.
              Il  déposa  son  portable  sur    le  sol  détrempé  par  la  dernière  averse  et  reprit    son
              entretien avec  les  petits insectivores. Tous voulaient parler, se  bousculaient,






                                                           11
   10   11   12   13   14   15   16   17   18   19   20