Page 18 - Le grimoire de Catherine
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Brutalement, ils tressaillirent, tandis qu’il parlait, le comte rajeunissait ostensiblement. Il
se transformait, sous leurs yeux ébahis, en éphèbe, gracile, doré et bouclé.
Cette métamorphose l’obligea à être plus précis: « Voilà vous avez devant vous la
preuve que nous sommes dans une situation abracadabrantesque qui demande une
réflexion urgente.
Depuis que le château a basculé, le temps recule, recule inexorablement. Fini le
vieillissement habituel, nous retournons vers notre naissance, mais comme nous ne
savons pas arrêter le processus nous allons tous disparaître.
Accepteriez-vous de vous unir à nous afin de stopper cette spirale qui tourneboule
l’entendement et qui va nous être fatale ? » Comment refuser un tel appel à l’aide ?
A l’unanimité, l’engagement fut pris de mutualiser les savoirs pour trouver une
solution face à ce pauvre Saperlipolette dans un tel danger !
Chacun décida de consulter son propre grimoire, creuset de recettes de survie, de
transmission de savoirs. Sans la sagesse des ancêtres, comment se sortir d’une si
mauvaise passe. Nous avons tous dans la cachette de nos cœurs, cet héritage, mais
nous le tenons secret, tant il est précieux.
La Grande Chauve-souris prit l’affaire en main. Elle demanda que chacun ferme les
yeux et disparut. L’Ane orienta ses magnifiques oreilles et entendit le bruissement du
vieux parchemin.
Il hennit de plaisir car contrairement à sa réputation de sot, il savait que la chauve-
souris était née d’un renard et d’un oiseau. Il l’avait entendu d’un conteur africain, aussi
faisait-il confiance à sa malice et à sa légèreté dans les airs.
Elle revint, bien plus tard, couverte de copeaux de papyrus : «Peu de chapitres traitent
de cette situation, je n’ai trouvé qu’un croquis, celui d’une machine volante imaginée à
partir de nos caractéristiques morphologiques » Chacun commençait à se réjouir
quand Saperlipopette soupira.
Impossible d’utiliser cette piste pour s’échapper. L’aéronef préconisé risquait de ne
pas quitter le souterrain. Dans ce monde à l’envers, les savants, traumatisés, eux
aussi, ne connaissaient plus la technique du décollage, ils ne se souvenaient que de
celle de l’atterrissage.
Devant la mine dépitée de tous, l’Ane se devait, lui aussi, de montrer ce dont il était
capable. Dans son recueil personnel, les premières pages narraient certaines fables de
La Fontaine.
A leurs lectures, il comprit qu’il s’agissait plutôt de mises en garde traitant de situations
qu’il fallait éviter pour ne pas être traité de benêt éternellement. Il passa alors au
Traité de l’Herboriste et là, apprit qu’un bouquet de belladone, cueilli dans un jardin de
sorcière pouvait entraîner d’importantes gesticulations appelées danses de Saint-Guy.
De tels mouvements effectués par tous, au même moment, feraient rebasculer, c’est
sûr, le château et tout son petit monde !
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