Page 17 - Le grimoire de Catherine
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En effet comment écrire quand le h a pris la place du v. Ne parlons pas du u qui en a
profité pour se déguiser en n. La chauve-souris chuchota « Ce n’est pas tout. Les
mots dans les livres ont été mélangés lors de la chute. Il faut réécrire au plus vite tous
les codes, tel le code civil et même celui de conduite, sinon l’anarchie nous guettera. Il
ne faudra pas faire l’impasse, non plus, sur les livres d’histoire car ils permettent de
remettre les pendules à l’heure.
Hier, ils indiquaient que Léonard de Vinci venait d’inventer des machines volantes et
sur la page d’aujourd’hui nous apprenons qu’Henri IV porte une barbe fleurie. Bientôt
si ses ouvrages ne sont pas remis en ordre on va nous annoncer que nous allons
frissonner dans les cavernes ! Vous comprenez, je l’espère la gravité de la situation. »
De plus en plus intrigués, ils poursuivirent leur périple. A leur grand étonnement, tandis
qu’ils empruntaient un long couloir, ils furent heurtés de toutes parts par des
tétrapodes, batraciens, reptiles, oiseaux, mammifères. La Grande Chauve-souris leur
expliqua qu’ils empruntaient la Voie Expérimentale. Elle avait été construite afin que
chacun réapprenne à marcher. Dans ce nouvel univers, il était devenu indispensable
de déplacer à reculons. Par la suite il leur faudra également s’exercer à faire du vélo à
l’envers !
Il était maintenant temps de faire la connaissance de Saperlipopette. Prévoyants, ils
se munirent de cache-oreilles et frappèrent à la porte de sa chambre.
Dressé, sur ses petites pattes de grenouille il se tenait là, devant eux, ce mystérieux
comte, dans son costume de parade. De sa grande capeline bariolée, émergeait une
petite tête coiffée d’un entonnoir. Ils étaient face à un vieillard chenu en perdition. .A
l’exception de l’Ane qui était très savant, ayant côtoyé les singes de Gibraltar,
conteurs de voyages fantastiques, nos compères furent déstabilisés.
Les questions affluaient. Qu’allaient-ils faire ? L’aider à retrouver une meilleure situation
ou le laisser ainsi pour toujours, après tout il l’avait bien cherché, terrorisant son
entourage.
Bientôt ils grimacèrent .Une odeur nauséabonde flottait autour d’eux. Ca sentait la
moisissure ! Le comte s’en rendit compte et prit la parole : « Ne vous inquiétez pas,
vous n’allez pas être incommodés. Vous êtes dans un champ de champignons. Les
fleurs des champs me manquaient trop. Je les ai remplacées par ces merveilleuses
petites ombrelles toutes tendres ».
Un homme qui regrette les fleurs ne peut pas être foncièrement mauvais, aussi la
décision fut prise à l’unanimité de l’aider à améliorer son sort et celui de son
entourage.
Le comte pensa qu’il était temps de s’expliquer. Il avait, disait-il, l’obligation depuis sa
naissance de piquer des colères. Ses parents avaient écrit sa destinée en le nommant
Saperlipette. Il se devait donc de piquer des colères homériques. Il soupira : « Ha ! S’ils
m’avaient nommé Placide, ma vie aurait été toute autre ! Je ne dois pas me plaindre,
imaginez s’ils m’avaient affublé de celui de Gribouille ! » .
Ils acquiescèrent, adhérents à ce discours qui leur paru bâti sur les piliers de la
sagesse.
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