Page 21 - Le grimoire de Catherine
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accumulateurs une  énorme tirelire et lui annonça  qu’il ferait   l’acquisition d’un âne
              pour découvrir le monde.

              Il avait finalement compris  que les rêves ne se partagent pas avec n’importe  qui !
              Que l’on ne rencontre  pas  tous les jours Alice du pays des merveilles ! Il en avait
              conclu  qu’il    partirait  qu’avec    un    seul  compagnon,  à  la  recherche  de  son  champ
              d’étoiles.

              L’Âne,  lui, pouvait être digne de sa confiance.  Il fut conforté dans  ce choix  par la
              lecture des fables de Monsieur  de La Fontaine. Ce dernier, qui parlait  si bien des
              hommes au travers des animaux, préconisait que, pour réussir dans tout  projet, il
              était  important  de  faire    preuve  d’obstination  et  que  « plus  fait  douceur    que
              violence ». Quel animal, sous des  dehors affectueux, était plus  obstiné  si ce n’est
              l’âne ?

               Il fallait trouver  cet animal, l’Âne  idéal, auprès duquel, il pourrait se confier, être
              écouté et ainsi  ne  jamais reculer.
              Pour    le  rencontrer,  il  se    rendit    en    Espagne,  premier  pas  vers    Compostelle,
              marcha,  marcha    et    atteignit  un  petit  village  tout  blanc.  Il    le  rencontra  au  détour
              d’une  ruelle bordée de maisonnettes blanchies à la chaux.

              Ses oreilles  étaient douces comme le ventre  des peluches des petits  enfants, dans
              ses yeux  se  reflétait toute  l’Andalousie. La confiance s’établit très vite entre eux. Ils
              avaient le même rêve donc  le même langage. Ils  voulaient cheminer.
              L’animal lui dit avoir très heureux  de se coucher, contre  sa mère, à l’ombre d’un
              grand  bananier  où  se  nichaient  de  tous  petits    oiseaux,  chanteurs,  danseurs,
              sautilleurs.  Il  ajouta  que,  lorsque    le  soir    arrivait,  il  avait  l’habitude  d’orienter  ses
              superbes oreilles, ainsi pouvait-il entendre ses amis, les grands  singes de Gibraltar
              se raconter  des histoires de pirates.

              Puis  ces  derniers  s’interrompaient  pour  faire  les  fous  autour  du  grand  Rocher.    Il
              était temps pour  lui de plier ses longues pattes et de humer  l’odeur des montagnes,
              là où vivent les chats  sauvages. C’est alors qu’il avait eu envie, lui aussi de partir, de
              donner une suite aux aventures qu’il entendait.

              Le  « chemineur » qu’il voulait devenir, savait  qu’il avait trouvé son  compagnon, son
              confident. Son grand voyage était  à portée de rangers et de sabots. Il allait pouvoir
              dérouler    ses  idées  en  toute  confiance.  Fini  les    rictus,  les  incompréhensions,  le
              chemin de vie  s’ouvrait devant  eux !
              Il faudra le parcourir pas à pas, oubliant  les autoroutes  en  utilisant les chemins de
              traverse, là où poussent les herbes  folles !

              Pourquoi  se  demanda –t-il cette  appellation ? Tout ce qui  échappe à l’ordre, au
              prévisible est –il ainsi  nommé ? La  liberté  fait-elle  toujours  aussi peur ?
              Ils finirent par  partir, vers où ? Vers quoi ? Sans  boussole, seule l’étoile du berger
              lumineuse, ce  soir- là, leur  fit un clin d’œil, le champ  d’étoiles  c’était  par là ! A eux
              les  chemins  caillouteux,  les  épicéas,  les  eucalyptus  aux  écorces  parfumées,  les





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