Page 26 - Le grimoire de Catherine
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Peut-être  que  non.  Vous  auriez  vu  alors  un  cerf-volant  représentant  une  vache.  Elle
              s'ébattait dans le ciel au gré de l'alizé soufflant du nord-est vers le sud-ouest. Elle a dû
              être si étourdie qu'elle s'est laissée prendre au lasso et maintenant, il y a promotion de
              viande au rayon boucherie... mais les acheteurs seront dupés puisqu'ils n'auront dans
              leur assiette qu'une toile plastifiée : l'esprit de la vache se sera  enfui et le cerf-volant
              n'attend qu'un moment d'inattention du boucher pour décoller vers un ailleurs.

              Dans les allées, des personnes poussent sereinement leurs chariots, leurs têtes pleines
              de chiffres, de contrats à négocier, de pâtisseries à fabriquer, de robinets à réparer et
              pendant  ce  temps...  les  trolls  regardent  ce  défilé  hebdomadaire.  Ils  n'y  comprennent
              rien d'ailleurs, ils savent bien, qu'il n'y a rien à comprendre.
              Ce lieu  est vraiment vide de sens  et les lieux, comme les mots qu'on utilise, doivent
              toujours avoir du sens.

              Imaginez  des  mots  ayant  ni  queue,  ni  tête,  comment  se  les  approprier  ces  petits
              véhicules faits pour rouler de l'un vers l'autre, qui n'ont plus aucune raison d'être?
              La musaraigne  qui travers  notre conte vient  de dresser l'oreille.  Ce mot, véhicule, lui
              évoque ces broyeurs  de musaraignes et de trolls  que sont , sans  aucun doute, les
              autoroutes.

              Il y a d'abord les méchants, gourmettes au poignet et semelles de plomb. Ceux-ci sont
              les  conquistadores  qui  toisent  en  les  dépassant  les  cueilleurs  de  volubilis...  Je
              reviendrai plus tard sur les caractéristiques de ces derniers.
              Donc les méchants ont une solution pour tout. Les oreilles sont atrophiées. En effet, ils
              n'écoutent  plus,  ça  fait  perdre  du  temps.  Ils  savent,  ils  anticipent.  Ils  parlent  de
              sémantique et utilisent pleins d'autres gros mots…. Mais comme dit Jean Luc Godard
              "la solution pollue le problème".

              Il faut y être le premier, où ça ? Peu importe…ça permettra de repartir plus vite vers un
              autre ailleurs.
              Mais  au  fait  savent-ils  que  les  ailes  froissées  empêchent  de  voler  par-dessus  le
              quotidien ?

              Et puis, quel dommage d'imaginer ces bolides, rutilants et souvent racés, transformés
              en  "compil"  n'intéressant  plus  personne,  les  fées  détestent  les  carrosses  cabossés…
              Elles préfèrent leur champ de citrouilles.
              Quant aux cueilleurs de volubilis, c'est une toute autre histoire…

              En général, ils empruntent la voie de droite, non pas qu'ils ne sachent pas conduire,
              non  pas  qu'ils  n'aient  pas  une  voiture  suffisamment  puissante,  c'est  une  histoire  de
              philosophie, de choix de vie. Comment pourraient-ils profiter des champs de fleurs s'ils
              roulaient au milieu ou pire à gauche ?
              Ils ne verraient pas les boutons libérer, comme à regret, les corolles encore plissées du
              sommeil originel.

              Ils se priveraient du moment où les pétales frissonnent caressées par le vent chahuteur
              à ses heures.



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