Page 25 - Le grimoire de Catherine
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CONTE DU POINT DE SUSPENSION


              Il  faut,  il  faut…  adapte-toi  aux  lois,  aux  normes.  Utilise  les  autoroutes,  les
              hypermarchés, aime-les. Il faut… que ça fonctionne. Toujours le même ciel, immobile!

              Puis  un  beau  jour,  le  voyage  laisse  s'échapper  des  images  tant  estompées  par  des
              années  d'habitudes.
              Au bout, la mer…

              Ca commence comme ça.

              Tiens  un  cerf-volant  fait  la  trouée,  mais  ça  repart,  ça  se  reconstruit  très vite,  mais  le
              blindage a vacillé quelques instants.

              Ca  n'est  plus  à  l'identique,  tout  n'est  plus  exactement  à  sa  place,  il  existe  des
              interstices, des fissures dans ce quotidien glauque.

              Alors ça recommence, petite musique dans la tête, la couleur  de la mer, un ciel peint
              par  Watteau  et  puis  des  trolls,  beaucoup  de  trolls,  rien  que  des  trolls…  et  la
              musaraigne.
              Le petit rongeur  aux pattes de velours déroule le ruban constellé de rêves  jusqu'aux
              échoppes  des  marchands  qui  transforment      nos  évasions  dorées    en  monnaie  de
              plomb et de cuivre.
              Propulsons-nous dans l'antre de la consommation, le supermarché.

              Evitons les rayons qui fâchent, celui des râpes à gruyère en premier, concurrentes en
              direct  des  petites  dents  de  la  musaraigne,  si  peu  inventives  puisqu'elles  débitent  en
              copeaux réguliers les particules de fromage.

              Nous n'aimons pas non plus celui des désherbants car notre espace familier est une
              forêt  de  bois  de  roses.  Comme  l'a  si  bien  rappelé  Ronsard,  elles  sont  déjà  si
              éphémères, ne précipitons pas les choses.
              Et puis, pire, si le vent se lève, il pourrait transporter ces exfoliants sur la cime de nos
              arbres... et voilà que se profile le spectre de la ballade des pendus de François Villon.

              Non, non, décidément non.
              Et enfin, bien en évidence, voici le stand des pièges à souris, quel cauchemar!

              Certaines,  les  nôtres,  ne  sont  pas  en  métal,  elles  sont  de  chair  tendre  et  palpitante.
              Nous sommes pour l'abolition de la peine de mort, d'ailleurs il va falloir penser à rédiger
              la pétition qui pourrait sauver ces petits mammifères.
              Tremblants, il nous faut retrouver la sérénité et allons à la rencontre des rayons à visée
              alimentaire.

              Sur l'étal de la boucherie, un cerf-volant tacheté de noir et blanc.

              A ce stade nous vous devons une explication. Ne vous êtes-vous jamais rendu sur une
              belle plage de sable fin, un après-midi ensoleillé de mai?




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