Page 19 - Le grimoire de Catherine
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Saperlipopette gémit à nouveau. Ici pas de belladone, ici ne poussent que des
endives ! Notre visiteur n’avait encore rien proposé, il se trouvait en panne
d’imagination. Il voulait réussir là où les autres avaient échoué. Il se mit à réfléchir
intensément, lui qui n’avait pour se conduire non pas un grimoire mais un
smartphone et un GPS.
Il demanda un entretien confidentiel avec le comte. Ce dernier continuait à rajeunir et
à rapetisser. Son collant, qui, tout à l’heure, révélait des jambes musclées, plissait
lamentablement sur ses petits mollets gigoteurs. Ses jolies dents n’étaient plus que
quenottes de souris. Bientôt Saperlipopette allait marcher à quatre pattes, perdre la
parole articulée pour se contenter de babiller. Il fallait agir efficacement et vite !
- « Dites-moi la vérité que s’est-il passé lorsque le château a basculé ? »
- « Je suis entré dans une colère mémorable comme vous m’en savez coutumier. Elle
m’a envahi alors telle une hydre. Elle m’a étouffé, hypnotisé avec ses superbes yeux
émeraude. Je n’étais plus maitre de la situation, j’étais devenu son esclave. J’en étais
arrivé par l’intensité de ma fureur à côtoyer les vieux dieux grecs lorsqu’ils
déchaînaient les éléments !»
- « Pourquoi vous mettre dans un tel état ? »
- « Ecoutez, tout à l’heure je vous ai menti, voici mon véritable secret. Je hurle, non pas
parce que je m’appelle Saperlipopette mais pour vérifier la puissance, les intonations de
ma voix. J’aime l’écouter, la moduler, la ciseler. J’entretiens ainsi mon instrument
préféré ! »
Le moment de surprise dépassé, il fallait trouver une issue à cette situation délétère
- « Accepteriez- vous de jouer un instrument autre que celui de votre voix, duquel ne
sortirait que des notes, messagères de bonheur, comme des bulles de savon ? »
- « Top là, cela m’évitera les extinctions de voix et les angoisses ! »
L’Ane fut chargé de rassembler des roseaux et de confectionner dans les meilleurs
délais une flûte de Pan. Pendant ce temps, la Grande Chauve-souris, déposait auprès
des oreilles de chacun le message suivant : Rendez-vous tous auprès de
Saperlipopette dés que vous entendrez le chant d’un oiseau.
Les heures passaient, tout le monde se tenait attentif au moindre bruit et bientôt…
quelques notes s’élevèrent sous la voûte souterraine. D’abord hésitantes elles
s’enhardirent, glissèrent le long des colonnades de porphyre, pour enfin former de
petits ruisseaux dévalant les chemins menant à la chambre du comte.
Ce fut la ruée vers Saperlipopette qui jouait, ravi, coloré comme un perroquet, l’air du
marchand d’oiseaux imaginé par Mozart. Comme il était flamboyant, ce nouveau
Papageno ! Et soudain kraak, critch… le château rebascula et réapparu dans le parc.
« Je suis dans le parc où se trouvait le château. Et tu ne devineras jamais il est
réapparu ! »
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