Page 16 - Le grimoire de Catherine
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battaient des pattes. Il faut dire qu’il est rare qu’un homme s’intéresse à leur savoir. Les
              affaires souterraines, ils en sont les fins connaisseurs !

              Il était preneur, voulait rencontrer Saperlipolette et son entourage, explorer ce monde
              sans dessus dessous. Il accepta de troquer le quotidien pour  une plongée dans l’irréel.

              Les animaux  se mirent à  l’ouvrage, les mottes de terre volèrent et  avant l’arrivée de la
              nuit, il put se glisser sous terre dans le château enseveli.
              Il  y  faisait  bien    sombre,  le    brouhaha  du  dehors    avait  fait  place  au  silence,
              Saperlipopette devait dormir ! Il se hasarda dans le grand couloir  qui s’ouvrait devant
              lui, chacun de ses pas résonnait comme le marteau frappant l’enclume. Aussi ne passa
              t-il pas longtemps inaperçu. Devant lui, apparut un  petit âne, au pelage doux comme
              les peluches des jeunes enfants, aux grandes oreilles, toutes emmitouflées de  feuilles
              de bananiers !  Il comprit vite qu’il était en face  d’un animal blessé par les rugissements
              du maître des lieux.

              Le dialogue s’installa  rapidement en toute confiance. L’Ane lui expliqua sa nostalgie.
              Depuis que  son monde avait basculé, il ne pouvait plus tourner ses  superbes oreilles
              pour entendre ses  amis les oiseaux, lui raconter des histoires de voyages ou encore lui
              verser  des cornets entiers  de notes de musique. En attendant de trouver une solution
              à son malheur, il leur avait écrit une chanson :

              « J’ai l’espoir pour mes deux oreilles

              J’ai l’espoir d’un murmure
              Allez les oiseaux,  allumez-moi le soleil

              Je vous raconterai, c’est sûr
              La soie des caresses reçues chaque soir »

              L’amitié fut  ainsi scellée, et les deux compères décidèrent d’aller  rencontrer celle qui,
              depuis  le grand basculement, avait acquis une grande influence, la Grande Chauve-
              souris. Ne souriez pas, elle était la seule  à avoir l’oreille de Saperlipopette.
              De  dédales  en labyrinthes  énigmatiques, ils arrivèrent enfin, épuisés, essoufflés dans
              la salle voûtée où était suspendue, royale, une superbe chauve-souris. Ils remarquèrent
              rapidement  la  taille  impressionnante  de  ses  attributs  acoustiques.  Ils  savaient  qu’ils
              seraient  entendus et surtout écoutés donc  compris. De plus ils  pensèrent, à juste titre,
              qu’elle pouvait être la confidente  privilégiée de Saperlipopette.

              Les deux amis voulaient comprendre  l’énigme qui entourait ce château. Ils  espéraient
              rencontrer ses occupants, peut-être même Saperlipopette si ce dernier n’était pas dans
              une colère noire et enfin trouver une solution afin que chacun retrouve ses repères et
              ses plaisirs d’avant.

              La Grande Chauve-souris, qui adorait la flatterie ne se fit pas prier. Elle était experte en
              histoires sombres ! Aussi caressa t-elle ses somptueuses ailes de soie baie et  proposa
              une visite guidée dans la citadelle.

              Dans la première salle, dans  un silence monacal,  des scribes, des scribes à perte de
              vue. Penchés sur leurs écritoires, ils triaient des lettres, les réorganisaient  en alphabet.



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