Page 34 - Le grimoire de Catherine
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Nous voilà partis, écartant les ronces galopantes, les lierres  enlaçants et les branches
              craquantes. Là  un  crocodile surgit  d’un  chêne, là un héron d’un érable, plus  loin  un
              ourson est niché  dans le creux  laissé dans le tronc  par une  branche arrachée.
               Tout le bestiaire de mon  enfance est  là. Je peux le caresser !

              «Pourquoi tous ces animaux extraits de ces arbres morts ? Pourquoi les laisser ainsi
              attachés  à tout jamais à leur  tronc ? Pourquoi  ne pas  les libérer, les  transporter et
              les exposer  aux yeux de tous   afin qu’ils transmettent ce pourquoi ils sont faits, c’est-à-
              dire pour tenter de ré enchanter  le monde.
              - Comment ça ré enchanter le monde ! Quelle utopie ! Croyez- vous que le bonheur  se
              sert  comme un dessert tant  attendu  pendant  tout le repas !

              Vous  qui  vivez    près  de  la  nature,  vous  avez  dû    remarquer  que,    malgré  tous    vos
              efforts  pour apercevoir  ce  tout petit oiseau que vous entendez chaque matin , vous
              avez beau écarter les branches des différents buissons, marcher à pas de loup,  vous
              ne le voyez  jamais .
              Lorsque,  enfin lassé, vous retournez  à vos travaux et bien là, surprise,  il vous attend
              sur votre tracteur. Le bonheur  ne s’invente pas, il  guette  le moment  opportun pour
              s’installer subrepticement dans  votre cœur.

              Ces sculptures sont  ma manière  de transformer pour très  longtemps  je  l’espère,  ce
              champ de ruines, en un espace de beauté.
              Je rends ainsi hommage à la nature, mère  attentive de ces arbres magnifiques  qui,
              tels des soldats se sont battus pour  sauver leur territoire des intempéries mais  qui ont
              perdu  face  au  déchaînement  du vent. J’aime le cycle naturel des êtres vivants, de la
              beauté ne peut naître que la beauté, d’ailleurs  j’en profite  pour  vous remercier  de
              respecter la terre comme je sais que  vous le faites».
              Je m’éloigne de quelques pas, intrigué par une  forme diaphane, encore une ! Elle ne
              ressemble pas à celles aperçues dans mon champ de tournesols... Je suis face à  un
              fantôme ! Je n’ai pas peur, et pour cause, il s’agit du  mien  quand  je n’étais  qu’un
              petit  enfant !

              «Vous m’avez vu  sur mon tracteur. Alors  dites- moi   auriez-vous aperçu, vous aussi,
              deux  petites silhouettes se faufilant dans le champ de  tournesols. Depuis  que  j’ai  été
              témoin  de  cette    scène  je  ne  suis  plus  au  repos,  je  cherche    désespérément  à
              comprendre. Suis-je  dans la réalité  ou dans le rêve ? Il est vrai que ces derniers jours
              je travaillais  beaucoup.

              - J’habite dans un arbre, aussi chaque soir quand la nuit tombe, si vous saviez  comme
              ici  tout s’anime,  tout  se mêle dans mon regard, les  petits animaux bien vivants et les
              statues de  bois, alors  vous savez je ne suis pas un témoin  très sûr. De plus  je me
              méfie toujours des certitudes. Ne comptez pas sur moi pour vous répondre ».
               Décidément, je ne peux compter que sur moi, je  tourne  les talons et repars là où  je
              suis bien, dans mon champ sur  mon tracteur.







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