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198 chapitre 7 L’âge préscolaire : développement identitaire et socioaffectif
L’influence des parents et de la culture cette période, tandis que d’autres s’appliquent à l’enfance
sur le comportement prosocial en général, comme les styles parentaux ou la maltraitance.
La recherche suggère que le comportement des parents De toute évidence, le milieu familial et l’entourage ont un
contribue au développement du comportement prosocial rôle considérable dans le développement de la personnalité
(Eisenberg, 2004). Plus précisément, les parents d’enfants et de la socialisation du jeune enfant. À l’âge préscolaire, la
altruistes créent un climat de famille aimant et chaleureux. perception que l’enfant a des autres évolue et influe gran-
Si cette chaleur va de pair avec des explications et des règles dement sur ses choix sociaux, par exemple, le choix de ses
claires sur ce qu’il faut faire et ne pas faire, les enfants sont amis. Dans cette section, nous nous pencherons brièvement
encore plus susceptibles de se comporter de manière altruiste. sur la façon dont les enfants de 2 à 6 ans perçoivent leurs
De plus, ces parents d’enfants altruistes leur expliquent sou- pairs et les adultes de leur entourage, après quoi nous nous
vent les conséquences de leurs actions en fonction de leurs attarderons sur leurs relations avec les membres de la famille
effets sur les autres : « Si tu frappes Natacha, elle va avoir et les pairs.
mal. » Établir des règles ou des lignes directrices positives
plutôt que négatives semble également important : « Il est
toujours bon d’être utile à d’autres personnes » est une 7.4.1 Percevoir et juger autrui
directive plus efficace que « Ne sois pas si égoïste ! »
Nous l’avons vu au chapitre précédent, la capacité de caté-
Faire des attributions prosociales, c’est-à-dire des déclara- gorisation du jeune enfant est encore très embryonnaire.
tions positives sur la cause sous-jacente d’un comportement À l’âge préscolaire, il en est encore au stade des précatégo-
utile, est également une bonne stratégie. Par exemple, le ries, ce qui, dans le domaine social, se reflète entre autres
parent peut féliciter l’enfant en lui disant : « Tu es vraiment dans la perception d’autrui ou le jugement sur autrui.
une enfant utile ! » ou « Tu fais vraiment beaucoup de choses
gentilles pour les autres. » Entendre souvent ce genre de Au début de l’âge préscolaire, les enfants commencent à
phrases au cours de la petite enfance aide les enfants à les « classer » les gens sur la base de leurs caractéristiques les
intégrer dans leur concept de soi plus tard dans l’enfance. plus simples et les plus évidentes, comme la couleur de la
En agissant ainsi, les parents peuvent aider à créer un modèle peau, le sexe et l’âge. Par exemple, ils parlent des « grands »
intériorisé et généralisé de comportement altruiste chez (les enfants d’âge scolaire) et des « petits » (ceux de leur âge),
l’enfant. Les parents d’enfants altruistes cherchent aussi des et leur tendance à se regrouper par sexe peut apparaître dès
occasions de permettre à l’enfant de se rendre utile. Par l’âge de 2 ans. De même, les jeunes enfants se regroupent
exemple, ils lui proposent de les aider à cuisiner, de prendre parfois selon la couleur de leur peau. Ces préférences pré-
soin des animaux de la maison, de choisir des jouets à don- coces reflètent probablement la pensée égocentrique des
ner, d’apprendre des choses à ses frères et sœurs plus jeunes, enfants en bas âge : en gros, ils considèrent que les bons
et ainsi de suite. Enfin, le fait pour les parents de donner compagnons de jeu sont ceux qui sont comme eux (sexe,
l’exemple en adoptant un comportement parental réfléchi couleur de la peau, etc.), et les moins bons, ceux qui sont
et généreux, soit un comportement cohérent avec ce qu’ils différents d’eux (Doyle et Aboud, 1995).
disent, est un autre facteur important. En vieillissant, les enfants commencent à attribuer aux autres
des traits plus intérieurs, comme « grognon » ou « méchant »
(Yuill, 1997). Ils font des remarques sur les comportements
7.4 Le développement d’autrui – « Grand-maman me laisse toujours choisir les
céréales à l’épicerie », et ils utilisent ces observations pour
social
départager les gens qu’ils aiment et ceux qu’ils n’aiment pas.
Comment les relations de l’enfant Cependant, les observations et les jugements des enfants
d’âge préscolaire sur autrui sont beaucoup moins constants
d’âge préscolaire avec sa famille, et cohérents que ceux des enfants d’âge scolaire, car leur
ses pairs et le reste de son village perception ne repose que sur leurs interactions les plus
influentelles sur son
développement ? récentes avec les gens (Ruble et Dweck, 1995). Ainsi, une
fillette de 4 ans pourra décrire une camarade de jeu comme
Au chapitre 5, nous avons exploré le « village » qui entoure « gentille » le lundi parce que celle-ci lui a donné un biscuit,
les 0-2 ans en nous attardant aux soins non parentaux (aussi et comme « méchante » le mardi parce qu’elle a refusé de lui
appelés soins alternatifs) et à l’adoption. Comme il y a énor- donner du chocolat. Bref, la perception et le jugement d’autrui
mément de choses à dire sur ce fameux « village », des choix des enfants d’âge préscolaire demeurent essentiellement
s’imposent. Dans le présent chapitre, nous nous intéres- globaux et centrés sur l’apparence. Ces jeunes enfants com-
serons surtout aux relations sociales avec la famille et les mencent à percevoir l’existence de certains traits internes,
amis. Certains des concepts que nous verrons sont directe- mais n’ont pas encore saisi la notion de « conservation » de
ment liés à l’âge préscolaire, comme les types de jeux durant la personnalité.
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