Page 13 - 20810_av_ch07_p181-212_presse
P. 13
Les débuts de la vie et l’enfance 193
me
des garçons. Deux spécialistes de l’Université du Québec à la grossesse. Selon M Hines, qui a fourni à La Presse des
Montréal interrogées par La Presse, la psychologue Louise références d’entrevues, d’essais et d’études, les résultats sont
Cossette et la sociologue Francine Descarries, sont tout aussi clairs : les hormones mâles poussent les filles vers les jouets
catégoriques. « de garçons ». Avec d’autres chercheurs, elle a aussi étudié
les préférences de jouets de certaines espèces de primates
« ce sont les parents qui choisissent les jouets » et a également découvert des différences entre les sexes.
« Ce sont les parents qui choisissent les jouets des petits
me
me
enfants », dit M Cossette, qui a déjà travaillé sur la question. « On oppose souvent l’inné et l’acquis, dit M Serbin, de
« On sait aussi que si on habille un bébé de manière neutre, Concordia. Mais même s’il y a des préférences biologiques
le comportement d’un adulte envers le bébé va changer si pour certains types de jouets, ça ne veut pas dire qu’on ne
on lui dit qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon. Il y a une petite peut pas agir. Des études ont montré que si on dit à un
différence de masse musculaire entre les garçons et les filles garçon qu’un jouet normalement associé aux filles est en
à la naissance, mais elle ne devrait pas avoir d’impact sur la fait populaire chez les garçons, il va avoir plus tendance à
motricité. On l’encourage tout simplement davantage chez jouer avec. La présence d’autres enfants est aussi impor-
les garçons. » tante : elle pousse les enfants à choisir des jouets plus gen-
rés. Alors, on peut favoriser le jeu solitaire de temps à autre,
M Descarries, qui a collaboré au document Les livres et les pour dépasser les stéréotypes. »
me
jouets ont-il un sexe ? du Secrétariat à la condition féminine,
déplore le fait que, bien souvent, les jouets pour garçons
favorisent la mobilité et ceux pour les filles, l’apparence – par L’invention du rose
l’entremise du maquillage, par exemple. « C’est négatif aussi Le rose n’a pas toujours été la couleur des filles, selon les
me
pour les garçons, dit M Descarries. Une étude a montré chercheuses consultées par La Presse. « Les études sont
que plus un garçon s’identifiait aux stéréotypes masculins, claires, il n’y a pas de préférence chez les bébés avant qu’ils
plus il risquait d’avoir de la difficulté à l’école. » M Cossette commencent à socialiser, explique Lisa Serbin, de l’Université
me
mentionne que les garçons se font proposer un éventail plus Concordia. Et au XIX siècle, le rose était parfois une couleur
e
restreint de jouets, parce que la « transgression des normes masculine. » Selon le livre Pink and Blue, de l’historienne
de genre » est mieux acceptée pour les filles.
Jo Paoletti, de l’Université du Maryland, le rose est devenu
La neuropsychologie se met maintenant de la partie. Depuis une couleur vraiment féminine dans les années 1980, à la
une dizaine d’années en Angleterre, la psychologue Melissa fois comme retour de balancier après l’unisexe féministe des
Hines, de l’Université de Cambridge, étudie les préférences années 1970 et à cause de l’apparition des tests prénataux
de jouets chez les filles ayant été exposées à plus ou moins permettant de déterminer le sexe de l’enfant – et donc de
d’hormones masculines – notamment la testostérone – durant préparer la chambre du futur bébé.
de leur développement (Dafflon Novelle, 2004). Pour ce faire, les voitures, par exemple), et d’autres aux femmes (les aspi-
des chercheurs ont interrogé les enfants d’une part sur les rateurs et les aliments, par exemple). Vers 3 ou 4 ans, les
stéréotypes liés au sexe, en leur demandant par exemple enfants peuvent assigner à chaque sexe des emplois, des
à quoi ressemblent les garçons et les filles (les hommes et activités et des jouets stéréotypés (Blakemore, 2003 ; Care
les femmes) et ce qu’ils aiment faire, et d’autre part sur les et autres, 2007). Vers 5 ans, ils commencent à associer cer-
rôles sexués, en leur demandant, par exemple, s’il était tains traits de personnalité, comme l’assurance ou la ten-
approprié pour un garçon de jouer à la poupée, pour une dance à la sympathie, aux hommes ou aux femmes (Martin,
fille de grimper aux arbres, etc. 1993 ; Serbin et autres, 1993).
Les études démontrent que ces stéréotypes s’apprennent Les recherches sur les idées des enfants quant à la façon
très tôt dans la vie. Ainsi, en Amérique du Nord, il ne serait dont les hommes et les femmes (ou les garçons et les filles)
pas rare d’entendre un enfant de 3 ans dire : « Les mamans se doivent se comporter ajoutent encore au tableau. Par exemple,
servent de la cuisinière et les papas, du barbecue. » Un enfant le psychologue William Damon (1977) a raconté à des enfants
de 4 ans pourra définir les rôles sexués selon les compé- de 4 à 9 ans l’histoire de Georges, un petit garçon qui aime
tences : « Les papas sont meilleurs pour réparer les choses, jouer à la poupée, mais à qui ses parents disent que c’est un
et les mamans sont meilleures pour faire des boucles et des jeu pour les filles, pas pour les garçons. Le chercheur leur a
décorations. » Des enfants d’à peine 2 ans associent déjà ensuite posé des questions sur cette histoire, comme « Pour-
certaines tâches et certains biens aux hommes (les outils et quoi les gens disent-ils à Georges qu’il ne devrait pas jouer
20719_AgeVie_ch07.indd 193 17-04-06 08:28