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Les débuts de la vie et l’enfance 191
L’approche du traitement de l’information il ou elle voit toutes les règles : comme un absolu. Plus tard,
Les tenants de la théorie du traitement de l’information uti- l’application de la règle de genre de l’enfant s’assouplit ; il
lisent le terme « schéma » pour désigner les structures men- ou elle sait, par exemple, que la plupart des garçons ne
tales (les catégories, par exemple) qui aident les humains à jouent pas avec des poupées, mais qu’ils peuvent le faire
organiser des processus comme la pensée et la mémoire. s’ils en ont envie.
Selon la théorie du schéma de genre, le développement d’une
telle structure mentale pour le genre sous-tend le dévelop- Les approches biologiques
pement de l’identité sexuée.
Longtemps, les développementalistes ont rejeté l’idée que
Selon cette théorie, le schéma de genre commence à se déve- les différences biologiques entre les hommes et les femmes
lopper dès que l’enfant remarque des différences entre les étaient responsables de leurs différences psychologiques.
hommes et les femmes, reconnaît son propre sexe et peut Aujourd’hui, cependant, ils envisagent d’un autre œil les
différencier les deux catégories avec une certaine consis- décennies d’études expérimentales sur des animaux qui
tance, soit vers l’âge de 1 ou 2 ans (Zosuls et autres, 2009). montrent que l’exposition prénatale aux hormones mâles,
comme la testostérone, influe sur le comportement de ces
Peut-être parce que le genre est une catégorie binaire (on animaux après leur naissance (Lippa, 2005). Les femelles
est un garçon ou on est une fille), les enfants semblent exposées à la testostérone se comportent davantage comme
comprendre très tôt qu’il s’agit d’une différence clé, de sorte des mâles ; par exemple, elles sont plus agressives que celles
que cette catégorie agit comme une sorte d’aimant pour les qui n’ont pas subi d’exposition prénatale à la testostérone.
nouveaux renseignements. De même, lorsque les expérimentateurs bloquent la libéra-
tion de testostérone au cours du développement prénatal
Une fois que l’enfant a établi un schéma de genre, même
très primitif, de très nombreuses expériences liées aux rôles d’embryons d’animaux mâles, ces mâles présentent un com-
sexués peuvent y être assimilées. Cette compréhension leur portement qui est plus typique des femelles de leur espèce.
sert de filtre pour recueillir et traiter les nouveaux rensei- Selon certains, des facteurs hormonaux expliquent ce qui
gnements sur les rôles sexuels, et les motive à s’y conformer est arrivé, il y a quelques décennies, à un groupe de garçons :
(« Je suis un garçon »). Ainsi, dès que ce schéma est conçu, nés avec des organes génitaux déformés à cause d’une ano-
les enfants se mettent à exprimer des préférences pour des malie génétique, ils ont été soumis à une chirurgie plastique
compagnons de jeu de leur sexe ou des activités tradition- pour donner à leurs organes génitaux une apparence fémi-
nellement associées à leur sexe (Martin et Little, 1990 ; Martin nine et ont été élevés comme des filles. À l’époque, les méde-
et Ruble, 2004, 2010). cins ne se rendaient pas compte que l’anomalie génétique
en question interférait uniquement avec les effets de la tes-
Les enfants apprennent d’abord quelques grandes diffé- tostérone sur les organes sexuels ; les cerveaux de ces fœtus,
rences sur le type d’activités ou le comportement qui eux, avaient été exposés à une quantité normale de testos-
« va avec » chaque sexe, tant en observant les autres enfants térone au cours du développement prénatal (Rosenthal et
que par les renforcements qu’ils reçoivent de leurs parents. Gitelman, 2002). Des études de suivi ont révélé que beaucoup
Ils apprennent également des scénarios de genre – des de ces enfants, quand ils ont appris leur état, ont demandé
séquences entières d’événements culturellement associés à une intervention chirurgicale pour masculiniser leur corps.
un sexe, comme « faire le repas » ou « construire quelque Même quand ils ont choisi de garder l’identité féminine qu’on
chose avec des outils » – comme ils apprennent d’autres leur a attribuée, ces individus présentaient des attributs
scénarios sociaux à cet âge (Levy et Fivush, 1993). Puis, entre et des comportements plus typiquement « masculins » que
4 et 6 ans, ils apprennent un ensemble d’associations plus « féminins » (Reiner et Gearhardt, 2004). Ces résultats sou-
subtiles et plus complexes sur leur propre sexe : ce que les tiennent l’idée que les hormones jouent un rôle dans le
enfants de leur sexe aiment et n’aiment pas, comment ils et développement de l’identité de genre.
elles jouent, à quels types de personnes ils et elles s’identi-
fient, etc. Ce n’est qu’entre 8 et 10 ans qu’ils développeront
un ensemble d’associations aussi complexe pour l’autre sexe La connaissance des rôles sexués :
(Martin et autres, 1990).
notions de genre
La principale différence entre cette théorie et la théorie de Comprendre qu’on reste un garçon ou une fille toute une vie
la constance du genre de Kohlberg réside dans le fait que, est une chose, apprendre les stéréotypes et les rôles qui se
selon la théorie du schéma de genre, l’enfant n’a pas besoin rattachent à l’étiquette « fille/femme » ou « garçon/homme »
de comprendre que le sexe est permanent pour former un dans une culture donnée en est une autre.
schéma de genre initial. Quand l’enfant commence à com-
prendre la constance du genre, vers 5 ou 6 ans, il ou elle Pour comprendre le développement du moi sexué, il est
développe une règle plus élaborée, un schéma, de « ce que crucial d’examiner quand et comment les enfants acquièrent
les gens qui sont comme moi font » et voit cette règle comme leurs connaissances sur ces indices socioculturels au cours
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