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Les débuts de la vie et l’enfance 205
concerne un petit garçon de 30 mois, Mathieu, et sa sœur ethnicité, milieux socioéconomiques
de 14 mois, Pascale (Dunn, 1992, p. 6) : et style parental
Mathieu était un enfant assez timide, sensible, pru- Pour ce qui est de l’influence des facteurs culturels et sociaux
dent, peu sûr de lui et conciliant […] Pascale était tout en regard des styles parentaux, la recherche révèle certains
le contraire : déterminée, téméraire, turbulente et épui- modèles complexes. Par exemple, les études où les enfants
sante pour sa mère, laquelle se montrait néanmoins fournissent des renseignements sur le style de leurs parents
enchantée d’elle. Lors d’une observation des deux et les études où les chercheurs font de l’observation directe
enfants, Pascale tenta à plusieurs reprises, et ce, mal- des parents ont toutes constaté qu’en général, les parents
gré les interdictions répétées de sa mère, d’attraper américains d’origine asiatique affichent un style autoritaire
un objet placé sur le comptoir de la cuisine. Lorsqu’elle (Chao et Aque, 2009 ; Wang et Phinney, 1998). Le constat que
y parvint enfin, sa mère lui lança sur un ton plein de les enfants américains d’ascendance asiatique obtiennent
chaleur et d’affection : « Pascale, tu es aussi déterminée des scores plus élevés que leurs homologues américains
qu’un petit diable ! » Mathieu entendit la remarque d’ascendance européenne dans presque toutes les mesures
de sa mère et, tout triste, lui dit : « Moi, je ne suis pas de compétences cognitives conforte l’hypothèse que le style
aussi déterminé qu’un petit diable… », ce à quoi elle autoritaire est le meilleur. En fait, les développementalistes
répondit : « Non ! Qu’est-ce que tu es, toi ? Un pauvre ont trouvé un lien entre la réussite des enfants américains
vieux garçon ! » et asiatiques et le style parental autoritaire, à savoir que plus
le style parental est autoritaire, plus les enfants ont des
De telles scènes ne sont pas rares dans les familles, et les scores élevés (Wang et Phinney, 1998). En outre, le style paren-
enfants sont très sensibles à ces différences de traitement. tal autoritaire n’a pas été associé à des résultats négatifs
Ainsi, même s’il avait à peine 2 ½ ans, Mathieu avait surveillé chez les enfants américains d’origine asiatique, contrairement
attentivement l’interaction entre sa mère et sa sœur, puis à ce que prédit le modèle de Baumrind. Johnson et Cremo
s’était comparé avec sa sœur. Les enfants de cet âge sont (1995) ont rapporté un autre exemple d’un style parental qui
déjà conscients de la qualité émotionnelle des échanges ne correspond pas aux prédictions du modèle de Baumrind
entre leurs parents et eux, de même qu’entre leurs parents sur la supériorité du style parental démocratique pour toutes
et leurs frères et sœurs. Dunn a constaté que ceux et celles les cultures. En effet, les études sur les pratiques d’éducation
qui recevaient moins d’affection ou de chaleur maternelle que connaissent les enfants autochtones au Canada décrivent
que leurs frères et sœurs se montraient plus dépressifs, des caractéristiques parentales correspondant au style per-
inquiets ou anxieux. Et plus les parents traitaient leurs missif, mais les chercheurs n’ont trouvé aucune association
enfants différemment, plus ces derniers manifestaient de la avec des résultats négatifs chez les enfants autochtones. Ces
rivalité et de l’hostilité les uns envers les autres (Brody et études suggèrent que les effets du style parental peuvent
autres, 1992). dépendre du contexte culturel dans lequel vivent les parents
et les enfants, de sorte que le meilleur style parental peut
Beaucoup de raisons, y compris leur âge respectif, peuvent différer selon le contexte culturel.
faire que les parents traitent leurs enfants différemment.
Peut-être la mère de Pascale et de Mathieu était-elle aussi L’effet du statut socioéconomique sur le développement
indulgente envers son garçon quand il avait 14 mois. Mais de l’enfant est une autre facette du macrosystème dont il
Mathieu ne s’en souvient plus ; ce qu’il voit sur le moment, faut tenir compte. Premièrement, comme on le voit à la
c’est la différence de traitement que sa mère leur réserve, à figure 7.4 (p. 206), les facteurs socioéconomiques, tels qu’un
lui et à sa sœur. Par conséquent, même quand les parents faible revenu familial et un faible niveau d’instruction des
sont constants dans la façon dont ils réagissent à chacun de parents, sont des facteurs de risque associés à une vulnéra-
leurs enfants à un âge donné, ils ne se comportent pas bilité accrue aux problèmes (Landy et Tam, 1998). Cependant,
constamment de la même façon avec tous leurs enfants à plusieurs études canadiennes, dont l’Enquête longitudinale
tout moment. Les enfants s’en aperçoivent et donnent une nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), ont montré
certaine signification à ces différences de traitement. que le style parental est un meilleur prédicteur de problèmes
chez un enfant. Plus précisément, des pratiques parentales
Les parents réagissent également aux différences de sexe, hostiles ou inefficaces (comme celles d’un parent peu engagé,
de tempérament, d’habiletés et de talents de leurs enfants, peu sensible, plus punitif et moins axé sur le raisonnement
créant ainsi un mode d’interaction unique avec chacun d’eux. dans sa résolution de problèmes avec son enfant ou encore
Pour les spécialistes du développement, il est de plus en d’un parent incohérent dans son approche) se sont révélées
plus évident que de telles différences de traitement envers être le meilleur prédicteur de troubles du comportement
les enfants d’une même famille constituent une composante chez les enfants. Les chercheurs ont constaté que, même
importante de leur modèle interne de soi et contribuent quand un enfant grandit dans une situation familiale à risque
pour une large part aux différences de comportement qu’on élevé (par exemple, un faible revenu, la dépression parentale
observe chez eux (Feinberg et Hetherington, 2001). ou un dysfonctionnement familial), un style parental positif
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