Page 28 - 20810_av_ch07_p181-212_presse

208 chapitre 7 L’âge préscolaire : développement identitaire et socioaffectif

Les travaux de Hartup ont mis en lumière le rôle clé des rela-
tions réciproques et de l’amitié dans le développement de
l’enfant, et on sait maintenant que les relations de l’enfant
avec ses parents et celles qu’il a avec ses pairs sont inter-
actives (Chen et autres, 2005). Une bonne relation parent-
enfant est plus efficace lorsqu’elle s’accompagne de relations
avec des pairs qui ont une bonne compétence sociale. Inver-
sement, des relations avec des pairs antisociaux peuvent atté-
nuer les effets positifs d’une bonne éducation parentale.
La formation d’un lien amical est l’un des principaux chan-
gements à survenir dans les rapports sociaux à l’âge pré-
scolaire (Hay et autres, 2004). Certains enfants commencent
dès l’âge de 18 mois à manifester une préférence marquée
et durable pour un ou une enfant en particulier (Howes, 1983,
1987). À 3 ans, environ 20 % des enfants ont un compagnon
Le partage d’une amitié au début de l’enfance
favoriserait une meilleure compétence sociale ou une compagne de jeu stable. À 4 ans, plus de la moitié des
à l’âge scolaire. enfants en garderie passent plus de 30 % de leur temps avec
un enfant qu’ils préfèrent aux autres (Hinde et autres, 1985).

Le fait d’avoir vécu une amitié au début de l’enfance favori-
serait aussi une meilleure compétence sociale à l’âge scolaire
Selon le psychologue Willard W. Hartup (1989, 1996), tout (Maguire et Dunn, 1997 ; Sebanc, 2003). Notons que les
enfant a besoin de deux types de relations. En premier lieu, enfants d’âge préscolaire se lient plus souvent d’amitié avec
il a besoin d’un attachement à une personne qui possède des enfants de même sexe.
des connaissances et un pouvoir social supérieurs aux siens,
comme un parent, un éducateur ou encore un frère ou une L’acquisition des habiletés sociales par le jeu
sœur. Ce type de relations, que Hartup qualifie de verticale,
est complémentaire plutôt que réciproque. Le lien peut être Le chapitre précédent traitait des aspects cognitifs du jeu.
très fort dans les deux sens, mais le comportement que les Mais qu’en est-il de ses aspects sociaux ? À tout âge, les
deux individus manifestent l’un envers l’autre n’est pas du enfants passent du temps à jouer seuls (figure 7.6) ; c’est ce
même ordre. Pour prendre un exemple banal, le parent fait qu’on appelle le jeu solitaire. Mais dès l’âge de 6 mois, ils
beaucoup plus souvent un sandwich à l’enfant que l’inverse. commencent à aimer s’amuser avec d’autres enfants. Si l’on
En second lieu, l’enfant a besoin de relations réciproques assoit deux bébés de cet âge par terre, face à face, ils vont
avec des enfants qui ont à peu près son âge, et dont les se regarder, se toucher, se tirer les cheveux, imiter les actions
connaissances et le pouvoir social sont équivalents aux siens. de l’autre et se sourire.
Dans ces relations horizontales, le comportement des par- De 14 à 18 mois, les nourrissons jouent ensemble avec des
tenaires est du même ordre, et ceux-ci coopèrent souvent jouets. À certains moments, ils coopèrent ; à d’autres, ils se
pour accomplir une tâche – se faire un sandwich, par exemple. contentent de s’amuser côte à côte avec des jouets diffé-
Pour Hartup, ces deux types de relations ont des fonctions rents, ce que les spécialistes appellent le jeu parallèle. À cet
différentes, et l’enfant a besoin des deux pour acquérir de âge, les enfants se montrent leur intérêt mutuel en se regar-
solides habiletés sociales. dant et en produisant des sons.

figure 7.6
les jeux selon les âges
Jeu coopératif

Jeu associatif

Jeu parallèle

Jeu solitaire
12 24 36 48 et plus
Âge (mois)

20719_AgeVie_ch07.indd 208 17-04-06 08:28