Page 27 - 20810_av_ch07_p181-212_presse
P. 27

Les débuts de la vie et l’enfance  207



                  travaillent auprès des enfants et qui sont tenus par la loi de   qui permettent de considérer les sévices infligés aux enfants
                  signaler aux autorités les cas potentiels de maltraitance ou   comme moralement acceptables découlent de traditions
                  de négligence.                                      socioculturelles et reposent essentiellement sur la croyance
                                                                      que l’enfant est la propriété du parent plutôt qu’un être
                  Outre la difficulté de définir la maltraitance et la négligence,   humain qui a des droits individuels (Mooney et autres, 2000).
                  le fait que leurs manifestations restent souvent cachées aux   Les parents qui vivent dans une communauté où d’autres
                  autorités rend très difficile l’estimation de leur prévalence   individus partagent ces valeurs et agissent en conséquence
                  réelle. Néanmoins, de toutes les agressions corroborées dans   sont plus susceptibles de devenir des parents violents.
                  l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas
                  de violence et de négligence envers les enfants (Trocmé et   les caractéristiques de l’enfant et du parent  Plusieurs
                  autres, 2005), la négligence (30 %), l’exposition à la violence   caractéristiques des enfants et des parents jouent un rôle
                  familiale (28 %) et la violence physique (24 %) sont les trois   dans la maltraitance. Ainsi, un enfant malade, prématuré ou
                  catégories principales de mauvais traitements. Viennent   handicapé risque de ne pas manifester les comportements
                  ensuite la violence psychologique (15 %) et les agressions   d’attachement qui l’aideraient à attirer et à conserver l’atten-
                  sexuelles (3 %) (Trocmé et autres, 2005, Centre de recherche   tion de ses parents (van IJzendoorn et autres, 1992). De nom-
                  sur l’enfance et la famille, Université McGill).    breuses études (par exemple, Sulkes, 1998) démontrent que
                                                                      les enfants qui souffrent d’un handicap physique ou mental,
                  La violence physique infligée aux enfants entraîne des   ou qui ont un tempérament difficile, sont plus susceptibles
                    blessures physiques : ecchymoses, coupures ou écorchures,   d’être victimes de violence que les autres enfants à risque.
                  fractures des os, traumatismes crâniens, etc. Dans les cas   Le risque est d’autant plus élevé si l’un ou l’autre des parents
                  les plus graves, elle peut causer la mort (Trocmé et autres,   n’a pas les compétences sociales et parentales nécessaires
                  2005). Les enfants maltraités sont par ailleurs plus suscep-  pour remplir son rôle. Par ailleurs, les parents qui maltraitent
                  tibles que les autres de connaître des retards dans tous les   leurs enfants semblent avoir une plus faible capacité d’empa-
                  aspects de leur développement (Glaser, 2000 ; Malinosky-  thie et de maîtrise de leurs réactions émotionnelles que les
                  Rummell et Hansen, 1993 ; Rogosch et autres, 1995 ; Cicchetti   autres (Wiehe, 2003). Enfin, ceux qui sont dépressifs, qui ont
                  et autres, 2003).
                                                                      des compétences parentales déficientes, qui ont eux-mêmes
                                                                      été maltraités dans l’enfance ou qui sont toxicomanes sont
                  Les facteurs de risque de la maltraitance           plus susceptibles de maltraiter ou de négliger leurs enfants
                  Selon un modèle qui s’est avéré utile pour mieux com-  (Emery et Laumann-Billings, 1998).
                  prendre les causes de la maltraitance des enfants (Bittner   les facteurs de stress familiaux  Les facteurs de stress asso-
                  et Newberger, 1981), les épisodes de mauvais traitements   ciés à la famille incluent la pauvreté, le chômage, la structure
                  sont habituellement déclenchés par des interactions quoti-  familiale (la monoparentalité, par exemple) et les conflits
                  diennes et souvent banales entre les parents et l’enfant.   entre les parents (Sulkes, 1998).
                  Plusieurs facteurs de risque se conjuguent alors pour pro-
                  duire une réaction violente ou inappropriée chez certains
                  parents. Les trois grands types de facteurs de risque qui   La prévention
                  caractérisent les situations de maltraitance sont :  La prévention des mauvais traitements commence par l’infor-
                  1.  les facteurs socioculturels ;                   mation et l’éducation. Il faut informer les parents des consé-
                  2.  les caractéristiques de l’enfant et celles de la personne   quences potentielles de certains gestes ; le fait de secouer
                                                                      un bébé, par exemple, peut causer des dommages au cerveau.
                    qui le maltraite ;                                Les parents doivent aussi savoir que les enfants ont des droits,
                  3.  les facteurs de stress familiaux.               et que les maltraiter, même sous prétexte de les discipliner,
                  En lisant ce qui suit, gardez à l’esprit qu’un seul facteur de   est un crime. Dans les cas les plus flagrants de mauvais trai-
                  risque suffit rarement à déclencher la violence ; c’est la com-  tements – la violence physique et sexuelle –, la législation
                  binaison de deux de ces facteurs ou des trois qui augmente   en vigueur en Amérique du Nord et en Europe oblige tout
                  la probabilité que l’enfant soit maltraité.         témoin à signaler la situation aux autorités compétentes.
                  les facteurs socioculturels  Les parents sont plus suscep-
                  tibles de maltraiter leurs enfants si leur système de valeurs
                  ne leur impose pas de limites quant au recours à la violence   7.4.3   Les relations avec les pairs
                  physique ou psychologique pour les punir ou les éduquer.
                  Ainsi, l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements   L’expérience familiale de l’enfant a indéniablement une
                  de cas de violence et de négligence envers les enfants révèle   influence centrale sur sa personnalité émergente et sur sa
                  que 75 % des cas de mauvais traitements physiques signa-  socialisation, surtout dans ses premières années de vie.
                  lés et corroborés avaient été infligés en tant que punition   Cependant, à l’âge préscolaire, les relations avec les autres
                  (Trocmé et autres, 2005). Selon certains sociologues, les valeurs   enfants prennent de plus en plus d’importance dans sa vie.









   20719_AgeVie_ch07.indd   207                                                                                          17-04-06   08:28
   22   23   24   25   26   27   28   29   30   31   32