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PARTIE II
d’appliquer les gestes barrière, par manque de temps (qui permettrait d’appeler le client
pour négocier qu’il descende récupérer sa commande) et de moyens (augmentation
du prix du gel hydroalcoolique).
On a une quinzaine de commandes par jour, un immeuble
où on livre c’est potentiellement une dizaine de points
de contacts infectés (entre les digicodes, les interphones,
les poignées, les lumières…), ce qui fait 150 points
de contacts par jour.
Jérôme Pimot, Fondateur du CLAP
On retrouve ces comportements « à risques » dans tous les secteurs dont le fonctionnement
repose malheureusement sur la précarité et la dépendance des salariés. Le besoin
matériel urgent de nourrir sa famille ou de payer son loyer y a poussé parfois les plus
démunis non seulement à accepter des conditions de sécurité au travail déplorables,
mais parfois même à continuer à exercer en ayant eu des symptômes, comme le souligne
Pascal Jumet de la CGT Carrefour Bercy, qui estime que dans ces conditions, la prime
incitative de 1 000 euros affichée par Carrefour a poussé des salariés à se rendre au travail
en cachant qu’ils ont été malades afin de pouvoir la percevoir. Comme nous l’avons
déjà évoqué à propos des inégalités sociales face au confinement et à la crise, et
comme l’analyse Maryline Poulain (chargée des questions d’immigration à la CGT),
les travailleurs sans-papiers subissent à ce titre une double peine due à la fois à leur
dépendance à leur travail liée à leur statut précaire, et au fait d’être dépourvus de couver-
ture médicale. Ce problème est aussi particulièrement présent dans la sous-traitance et
l’intérim, où les contrats sont précaires et où l’on trouve également des personnes
sans-papiers et des travailleurs détachés. Les conditions de travail pendant la crise y
ont été particulièrement peu encadrées et parfois indignes. Maryline Poulain a ainsi
constaté plusieurs décès d’intérimaires sur des gros sites comme Fedex ou dans la
centrale nucléaire de Romans-Sur-Isère.
Pierre Mériaux, de la FSU SNU Inspection du travail, souligne le problème du statut des
sous-traitants, qui sont dépendants des décisions des entreprises qui les sous-traitent,
au risque sinon de perdre leur contrat avec elles . Il est donc difficile pour eux de protéger
leurs salariés dans ce contexte. Par exemple, la relance des chaînes d’assemblage
d’Airbus a contraint ses sous-traitants à la relance de leurs propres activités même
s’ils ne disposaient pas des protections nécessaires pour leurs employés, comme s’en
est inquiété Xavier Petrachi, délégué syndical de la CGT Airbus. Les sous-traitants
sont également utilisés comme réserve de main d’œuvre pour compenser les droits
de retraits des salariés internes à l’entreprise-mère ; même si ces droits de retraits
ont été exercés en raison de conditions de travail jugées dangereuses. C’est ce qui a
été constaté à La Poste par exemple.

