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ZOOM SUR LES PRISONS :
LES DIFFICULTÉS DU CONFINEMENT EXACERBÉES D PARTIE II
ANS LES MAISONS D’ARRÊT, DÉMONTRANT ENCORE PLUS
LES FAILLES DE NOTRE SYSTÈME CARCÉRAL .
Au 1 janvier 2020, les maisons d’arrêt chaînes d’information en continu, ce qui
er
sont en état de vétusté et les détenus peut avoir un effet anxiogène. Certains
sont en surnombre avec un taux d’occu- mouvements pacifistes de détenus ont
pation à 120%. Le 30 janvier, la Cour euro- eu lieu (refus de promenade, demande
péenne des droits de l’Homme a d’entretien avec la direction), du fait des
condamné la France du fait de cette sur- coupures avec le monde extérieur et
population chronique et des conditions parce que toutes les activités avaient
de détention. L’État défaillant, et condam- cessé, notamment les ateliers et travaux.
née pour cette défaillance, aurait dû anti- L’administration a alors accordé aux déte-
ciper les conditions et les impacts du nus des crédits de 40 euros pour télépho-
confinement pour les détenus. ner gratuitement dans les points phone
ou sur les téléphones en cellule. Cepen-
Les risques de propagation du Covid-19 dant, des inquiétudes sont montées sur
sont accentués du fait de la promiscuité le fait que les téléphones ne soient pas
extrêmement grande entre les détenus. nettoyés entre les appels passés.
Bien que 6 000 personnes ont été re-
mises en liberté, cela restait insuffisant. Les études de cas des détenus ont été ra-
« L’inquiétude qu’il y a pour les personnes lenties voir annulées. Plusieurs personnes
détenues c’est que le virus vient de l’ex- ne rentraient pas dans le cadre de l’or-
térieur, donc le danger est représenté par donnance du 25 mars 2020 et de la cir-
les surveillants, en permanence [...] pas culaire du 27 mars 2020 relatives à la
mal de détenus nous disent qu’ils n’osent mise en liberté des personnes détenues,
même plus sortir de leur cellule, même et ne pouvaient voir leur dossier avancer.
pas aller en promenade, par peur d’attra- Ont ainsi été annulés : les projets d’amé-
per le virus. Et parallèlement les surveil- nagement de peines et des débats
lants ont bataillé pour accéder au mini- contradictoires, les rendez-vous pour les
mum de mesures de protection » mises sous surveillance électronique
informent François Bes, coordinateur des (pour éviter le contact entre porteur et
pôles enquêtes et Outre-Mer, et Delphine installateur de bracelet), les enquêtes au
Boesel, présidente de la section France domicile de personnes. Les services
de l’OIP - Observatoire internationale des d’application des peines ont été bloqués,
prisons. Ce danger de contamination et traitent les différentes demandes de
était représenté par les surveillants, les personnes rentrant dans le cadre de l’or-
avocats, les conseillers d’insertion et de donnance ou ayant vocation y rentrer
probation et les personnels péniten- sous peu. Les autres demandes, et les
tiaires, et les soignants. En Outre-Mer, les rendez-vous qui étaient pris pour les mois
personnels n’ont eu accès à du matériel d’avril, mai, juin, ont été annulés. Bien que
de protection seulement début avril. l’ordonnance prévoie la tenue de débats
contradictoires par téléphone, cela n’a, à
Les effets psychologiques du confine- ce jour pas eu lieu. Le juge d’application
ment sont décuplés en prison. Les acti- des peines n’examine pas les demandes
vités thérapeutiques de groupe et les actuelles, ce qui aura tendance à retarder
consultations sont arrêtées (pour rappel : les demandes d’aménagement de peine
8 hommes sur 10 et 7 femmes sur 10 et les remises en liberté.
souffrent d’au moins un trouble psychia-
trique) certains soignants essaient de re- S’agissant de la détention provisoire, la
courir à une relation épistolaire avec leurs mesure prise est une prolongation tacite
patients. Des effets psychologiques com- pour les juges, mais aucun outil n’a été
mencent à apparaître chez certains déte- mis en place pour diminuer la détention
nus dû à l’emprisonnement, l’absence de provisoire. Les juges des libertés et dé-
lien avec des proches et l’arrêt des tention ont la possibilité de supprimer to-
consultations. Le peu d’activité, de vie so- talement le débat contradictoire en vue
ciale et de contacts avec les autres gé- d’un prolongement de plein droit de la
nère l’ennui. On peut également ajouter à détention provisoire.
cela le fait que les télévisions diffusent les

