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PARTIE II
respecter les gestes barrières tout en continuant leur travail. Toutes les personnes
auditionnées, fonctionnaires des greffes, syndicats de magistrats et avocats ont
clairement affirmé que les contraintes issues des mesures de distanciation physique
étaient difficilement compatibles avec le fonctionnement normal de la justice et le
ministère de la Justice n’a pu masquer sa propre incurie. Aussi, il faut le dire clairement
pendant toute la durée du confinement ce n’est que par l’abnégation de l’ensemble
des professionnels que les audiences judiciaires ont pu être tenues, au péril de leur
santé. Tous les services du ministère de la Justice ainsi que toutes les professions
auxiliaires de justice comme les avocats et les associations socio-judiciaires ont été
durement touchées par la crise du Covid-19. Le fonctionnement en service dégradé
compte-tenu de la mise en œuvre des plans de continuation d’activité a été activé.
Cependant, l’état des matériels et des logiciels du ministère de la Justice a aggravé les
conditions et les capacités de télétravail pour tout le monde.
On constate que la dématérialisation ne fonctionne
absolument pas en période de confinement. Nous sommes
très inquiets de l’effectivité des droits pour les justiciables.
Estellia Araez, Présidente du Syndicat des avocats de France
Le gouvernement a ainsi abandonné les justiciables, les personnels et les auxiliaires
de justice pendant cette crise, alors qu’il disposait de toute latitude pour agir grâce à
l’habilitation par ordonnances qu’il a reçue des mains du législateur.
b) Un affolement liberticide
Force est de constater que les ordonnances du 25 mars 2020 prises sur le fondement
de la loi d’urgence ne cherchaient pas à faire prévaloir la sécurité sanitaire ni d’assurer
la continuité du service public de la justice. Au contraire, le gouvernement a opportu-
nément saisi l’occasion de l’état d’urgence sanitaire pour généraliser les visioconférences,
supprimer la collégialité des magistrats, abroger le principe du contradictoire en se
passant des avocats, voir même du juge . Sur cette déshumanisation de la justice en
période de confinement, il faut alerter sur la situation de la justice des enfants tant au
civil qu’au pénal. En effet, les personnes auditionnées nous ont indiqué que les mesures
proposées par le gouvernement concernant la justice des mineurs ne sont que le
révélateur des difficultés existantes et portent des atteintes disproportionnées aux
droits de la défense, à celui du respect de la vie familiale, aux droits de l’enfant d’être
entendu. Le gouvernement, en faisant le choix de prolonger de plein droit des mesures
d’assistance éducative et donc sans audience, ne répond pas à l’objectif de l’intérêt
supérieur de l’enfant, fait fi de l’autorité parentale et met de côté le principe du contra-
dictoire et des droits de la défense.
Les ordonnances organisent l’exception de l’exception.
Cela met en lumière que la protection judiciaire
de l’enfance est en grande difficulté.
Elisabeth Audouard, Syndicat des avocats de France
Au-delà de l’incurie du gouvernement à apporter des réponses sanitaires, et du manque
total de confiance envers les citoyennes et les citoyens, c’est le tropisme sécuritaire
qui a ressurgi . L’exemple le plus symbolique et évoqué par l’ensemble des personnes
auditionnées, est la circulaire Belloubet visant à éteindre les droits de la défense dans
le cadre des détentions provisoires, au mépris du principe de la présomption d’innocence.

