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                     Malheureusement, presque rien n’a été fait. La seule mesure qui a été prise à ce niveau
                     par le gouvernement a été la prolongation de la trêve hivernale, qui ne va faire que
                     retarder les procédures d’expulsion en cours, sans pour autant les empêcher, ni protéger
                     les locataires nouvellement mis en difficulté par la crise en leur évitant les futures
                     sanctions et le lancement de nouvelles procédures d’expulsion. Selon une étude de
                     l’IRES (Institut de Recherche Economiques et Sociales), il y aurait ainsi actuellement
                     entre 6 et 7 millions de ménages rencontrant des difficultés de paiement de leurs
                     loyers . Comme nous l’a rapporté Jean-Baptiste Eyraud, représentant du DAL (associa-
                     tion du droit au logement), si une partie des foyers mis en difficulté de paiement sont bien
                     parvenus à payer malgré tout leur loyer du mois de mars, au prix d’efforts et de sacri-
                     fices importants, les mois d’avril et de mai risquent de se révéler pour eux une épreuve
                     d’autant plus écrasante.


                     >   Une crise alimentaire alarmante
                     Les difficultés financières rencontrées ou aggravées en raison de la crise atteint éga-
                     lement la capacité de nombreux foyers à subvenir à leurs besoins alimentaires . Les
                     pertes de revenus liées à la crise créent une précarité alimentaire inquiétante, qu’elles
                     soient dues au passage au chômage partiel (incomplet alors que pour beaucoup de
                     familles, les salaires perçus habituellement sont déjà insuffisants ou très justes), au
                     licenciement ou à la perte totale de revenus pour ceux reposant par exemple sur l’éco-
                     nomie informelle. D’autant que les prix de l’alimentation augmentent. L’association
                     UFC-Que Choisir a constaté une augmentation des prix des produits de première
                     nécessité de 2,5 % la 4ème semaine de confinement. Or, pour beaucoup, ces hausses
                     peuvent  s’avérer dramatiques.  Sans parler du cruel dilemme auquel ces gens sont
                     confrontés : mourir du coronavirus pour ne pas mourir de faim ou bien mourir de faim
                     pour ne pas mourir du coronavirus ?

                     La fermeture des marchés a également représenté un coup dur pour beaucoup de fa-
                     milles de classes populaires, étant donné qu’ils leur permettaient souvent de s’ali-
                     menter à des prix plus abordables que la grande distribution ; et ce alors que selon
                     Annie Thébaud-Mony, sociologue de la santé, le choix de les faire fermer n’était pas
                     justifiable du point de vue sanitaire. La fermeture également des cantines scolaires,
                     des CAF et de nombreuses associations en raison des risques sanitaires, a d’autant
                     plus subitement aggravé la situation des foyers qui y avaient habituellement recours
                     pour parvenir à se nourrir correctement, et laissé celles et ceux dont les finances se
                     sont détériorées avec la crise sans bouées de secours. Si une bonne partie des asso-
                     ciations a pu heureusement reprendre peu à peu ses activités, et que de nombreuses
                     initiatives solidaires ont récemment vu le jour face à ces situations de détresse gran-
                     dissante, notamment dans les quartiers populaires, leurs moyens restent insuffisants
                     pour pallier l’ampleur du problème.

                     Là encore, ces difficultés révèlent de grandes inégalités territoriales, avec des quartiers
                     populaires particulièrement touchés dans toute la France. Elisabeth Arend et Djamel
                     Arrouche, représentants d’une épicerie sociale et solidaire de Villejuif (gérée par l’asso-
                     ciation « Villejuifois Solidaires »), nous ont fait part de l’inquiétante explosion de la
                     demande d’aide alimentaire qu’ils ont reçu, remarquant notamment la fragilisation
                     importante des femmes seules (souvent avec enfants en bas âge) et des retraités.
                                Une femme, qui est toute seule avec cinq enfants, m’a

                             avoué qu’elle ne mangeait pas pour que ses enfants
                             puissent manger. Et je pense qu’elle n’est pas la seule.

                             Elisabeth Arend, Présidente de l’association « Villejuifois Solidaires »
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