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PARTIE II
Se cachant derrière leur idéologie gestionnaire de la justice, le gouvernement a, dans
les faits, établi pendant une période de l’état d’urgence sanitaire un régime permettant
de maintenir une personne présumée innocente, dans un lieu de privation de liberté,
sans voir un avocat, ni un juge. L’état d’urgence sanitaire a donc révélé un dessein plus
sombre de ce gouvernement, qui asservit la justice et réduit la place des droits fonda-
mentaux en France. Ainsi, la justice française confinée a montré un visage liberticide
sans rapport avec une quelconque pertinence quant à la lutte contre la propagation
de l’épidémie . Le second exemple du basculement liberticide se retrouve dans la création
du délit de non-respect du confinement, qui punit un délit d’une contravention les
personnes contrôlées en dehors de chez elles sans attestation et de six mois d’empri-
sonnement les récidivistes. Le choix délibéré de recourir à la comparution immédiate
ainsi que la menace de la prison est en totale contradiction avec toute volonté réelle
de lutter contre la propagation de l’épidémie.
La peine de prison est toujours la peine de référence.
Il y a un gros effort à faire pour sortir de cette culture.
Si on n’arrive pas à franchir ce pas on restera enfermé
dans un système qui dysfonctionne car si la prison
fonctionnait on le saurait.
François Bes, Observatoire international des prisons
Ce délit de non-respect du confinement fut l’objet de dérives sécuritaires, à travers des
amendes abusives, comme nous l’a indiqué Malik Salemkour de la Ligue des droits de
l’homme. L’association a recensé des fouilles infondées, des violences et des appré-
ciations injustifiées des forces de police sur les biens de première nécessité. Elle relève
également un pouvoir accru aux préfets qui a donné lieu à des pratiques illégales :
Malik Salemkour évoque le cas du préfet des Ardennes qui a menacé les demandeurs
d’asile de suspension de leurs démarches en cas de non-respect du confinement. Il prend
également l’exemple de maires qui ont eu des recours à des arrêtés de couvre-feu
abusifs, tels que l’interdiction de se déplacer à plus de 10 mètres !
c) Une difficile gestion des prisons
La gestion des prisons a été paradoxale et au détriment des personnes détenues . En
effet, soumis aux injonctions contradictoires du gouvernement, ce sont bien les juges,
parquetiers, greffiers, personnels pénitentiaires d’insertion et de probation et person-
nels de sécurité, qui ont permis de contenir le risque de propagation de l’épidémie en
prison par la réduction drastique du nombre de personnes détenues. Le gouvernement
a rapidement interdit les parloirs, restreint les activités et les promenades, en refusant
toute mesure permettant de concilier le maintien des liens familiaux, ou la continuité
des droits de la défense, comme par exemple la mise à disposition de téléphones
portables, comme en Espagne l’a fait. Les personnes auditionnées ont décrit toute la
lenteur avec laquelle le ministère de la Justice a opéré pour apporter des réponses
aux personnels et aux personnes détenues . Le matériel de sécurité sanitaire a été
tardif et en nombre limité, refusant même que les détenus en portent alors qu’une
partie d’entre eux en fabriquait, participant ainsi à l’effort national… Le gouvernement
s’est accommodé facilement de la dialectique de la priorisation, qui a pour mérite de
laisser de côté la logique même de contamination de personne à personne dans un
endroit clos.

