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PARTIE II
l’employeur a bien des obligations de protection de la sécurité de ses salariés , dont il
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ne doit pas pouvoir s’exonérer, sous peine de sanctions civiles et pénales. Les articles
L.4121-1 et L.4121-2 somment les employeurs de protéger les salariés sur le lieu de travail.
Si les conditions de sécurité ne sont pas réunies, les salariés peuvent faire valoir leur
droit de retrait conformément à l’article L. 3141-1 du Code du travail. Pourtant, sur le terrain,
nombreux sont ceux qui ont dû eux-mêmes faire imposer la mise en place de mesures
de sécurité sanitaire et la fourniture de matériel de protection par l’employeur, souvent
avec l’appui des organisations syndicales. Si ces mobilisations ont parfois permis
d’arranger la situation, la plupart des témoignages font état de protections individuelles
arrivées très tardivement et parfois de toute façon insuffisantes à garantir leur sécurité.
Le secteur de la grande distribution est tristement emblématique de ce problème,
comme le pointe la sociologue de la santé Annie Thébaud-Mony qui, lorsque nous l’avons
auditionnée, soulignait l’importance de l’exposition au virus subie par les salariés,
hommes et femmes de la grande distribution. Et notamment pour celles et ceux chargés
de la mise en rayon au moment où les supermarchés étaient dévalisés et le matériel de
protection inexistant. Pascal Junet, syndicaliste CGT de Carrefour Bercy et représentant
du personnel au CSE de Carrefour, confirme cette analyse sur le terrain, constatant
qu’aucune anticipation n’a été faite de la réaction de la population face aux annonces
de crise sanitaire et de confinement. Résultat, rien qu’entre le 13 et le 16 mars, il y aurait
eu selon lui 60 000 passages en caisse, soit à peu près 1 800 personnes par heure sur
7 000m², équivalent donc à une moyenne de deux personnes et demie par mètre carré :
un taux bien loin de permettre le respect des gestes barrières. À cette même période,
il n’y avait pas encore de masques distribués au personnel, et ceux qui l’ont été à partir
de la fin mars n’étaient que des masques de type chirurgicaux. Deux d’entre eux, une
caissière et un poissonnier, sont depuis décédés en raison du virus .
Ce schéma, consistant à fournir des protections à la fois trop tardives et insuffisantes
vis-à-vis des risques sanitaires pris par les employés, s’avère tristement commun au sein
des secteurs restés actifs pendant la crise. Parfois, le caractère essentiel de l’activité est
utilisé pour culpabiliser les salariés réclamant des conditions de travail plus rassurantes,
comme dans ce témoignage de Jérôme Flament, syndicaliste au sein d’Air Liquide :
Ils considèrent que le droit d’alerte n’est pas justifié,
tout comme le droit de retrait des salariés, qui est remis
en cause par l’employeur. En fait ils sont plus ou moins
en train de les accuser de « lâcher le pays ».
Jérôme Flament, Syndicaliste Air Liquide
Dans certains secteurs, enfin, les travailleurs n’ont tout simplement pas pu bénéficier
du tout de fourniture de protections individuelles . C’est le cas par exemple des livreurs
des plateformes ubérisées, comme nous en a témoigné Jérôme Pimot, fondateur du
CLAP (Collectif des Livreurs Autonomes de Paris). Les plateformes se seraient en effet
contentées de fournir aux livreurs de théoriques « guides des bonnes pratiques », en
réalité intenables sur le terrain, ne se considérant pas comme responsables des
conditions de travail de leurs livreurs.
21 / À l’occasion du 1 mai, la France insoumise a réalisé et publié un guide de protection des salariés,
er
accessible sur son site internet.

