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        PARTIE II



                           La priorisation des secteurs et activités essentielles a également été ignorée . Face
                           aux pénuries de matériel de protection et à l’impossibilité de maintenir de toute façon
                           des distances suffisantes au sein de certaines entreprises, les salariés et leurs repré-
                           sentants ont souvent eu le réflexe pragmatique de demander et d’attendre une priori-
                           sation des activités essentielles de l’entreprise sur celles ne présentant pas d’urgence.
                           Ce, afin d’épargner le maximum d’employés et de permettre à celles et ceux dont la
                           présence sur le lieu  de travail  est indispensable d’œuvrer en prenant le moins  de
                           risques possibles. Malheureusement,  l’intérêt économique semble  là encore avoir
                           souvent prévalu sur le principe de précaution . Si les employés pouvant exercer à dis-
                           tance ont généralement pu obtenir de passer au télétravail, les sites de production
                           industriels (comme dans les témoignages recueillis d’employés d’Air Liquide, de PSA,
                           d’Airbus, de Sanofi…) ou les métiers de techniciens et de services (livraisons, ramas-
                           sage des déchets, techniciens des réseaux des télécoms, ouvriers du bâtiment…) ont
                           souvent, eux, maintenu une grande partie de leurs activités, y compris certaines dont
                           l’intérêt n’était que strictement économique et non indispensable .

                           Jean-Pierre Mercier, délégué syndical de la CGT du groupe PSA que nous avons pu
                           auditionner, expliquait que les salariés du groupe étaient volontaires pour produire
                           des respirateurs supplémentaires en urgence pour les salles de réanimation. Mais il
                           semblerait que le choix de PSA, en alliance avec Air Liquide et avec l’assentiment de
                           l’État, ait été de privilégier la fabrication de petits respirateurs moins essentiels (destinés
                           aux camions de pompiers et au SAMU et non au Covid-19 ). Une politique du chiffre
                                                                                22
                           au service des effets d’annonce du gouvernement, dans l’espoir de réouvrir les usines
                           de fabrication de voitures (alors même que les concessionnaires sont fermés) :
                                     On en était à 100 salariés qui fabriquaient des respirateurs
                                   médicaux, pour à peu près 30 000 / 35 000 salariés qui allaient
                                   fabriquer des voitures. Il y avait un effet de com’, on se rend
                                   bien compte de la supercherie : c’est un mensonge !

                                   Jean-Pierre Mercier, Salarié PSA et militant syndical

                           Les salariés d’Amazon, autre grand groupe ayant fait parler de lui dans la période,
                           semblent avoir dû endurer un décalage similaire entre les effets de communication
                           de leur entreprise et la réalité du terrain. Comme nous l’a rapporté Laurent Dégousée,
                           délégué de la fédération SUD commerces de l’Union syndicale Solidaire, l’inquiétude
                           de ces employés quant à leur sécurité en ce temps d’épidémie fut telle qu’ils se sont
                           mis en grève à la veille du confinement et sont allés jusqu’à poursuivre Amazon au
                           tribunal pour faire respecter leurs droits . Etant donné l’augmentation importante des
                           commandes en ligne couplée à l’embauche d’intérimaires pour y répondre, la promiscuité
                           liée au nombre de salariés présents dans les entrepôts ne permettait pas de maintenir
                           suffisamment de distances de sécurité. Là aussi, la priorisation des activités essentielles
                           était une solution-clé pour les salariés, qui demandaient à ce que seules les commandes
                           « essentielles » soient prises en compte afin que moins de monde soit nécessaire sur
                           place. Demande qui a été reconnue légitime par deux fois au tribunal. On rappelle que
                           l’activité d’Amazon est jalonnée en France de conflits sociaux et de condamnations
                           de l’entreprise.  Pourtant, face à cette restriction de 50% de leur catalogue, Amazon a
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                           fait  le  choix  de maintenir les  entrepôts  français fermés  plutôt  que d’adapter son



                           22 /  Enquête Radio France – « Coronavirus : la France fabrique-t-elle des respirateurs inutiles ? »,
                              France Bleu, 23 avril 2020.
                           23 / « Coronavirus : la justice rappelle Amazon à ses responsabilités », Le Monde, 15 avril 2020..
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