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PARTIE II
Le maire de L’Ile-Saint-Denis, Mohamed Gnabaly, nous a rapporté avoir dû passer d’un
rythme de 10 colis alimentaires fournis avant la crise par la mairie, à 60 colis actuellement,
en plus de ceux des associations mobilisées. Ces deux exemples sont emblématiques
de la situation particulièrement inquiétante dans les quartiers populaires, comme s’en
était inquiété le préfet de la Seine-Saint-Denis . Celui-ci prévoyait que 15 000 à 20 000
personnes auraient du mal à se nourrir dans son département, et craignait des « émeutes
de la faim » . Les mesures gouvernementales censées pallier ce problème, notamment
avec la proposition d’un chèque de 150 euros pour faire face à la précarité alimentaire, sont
considérées largement insuffisantes par les associations concernées. Elisabeth Arend
par exemple estime cette somme ridicule par rapport aux besoins de familles en détresse
depuis plusieurs mois, commentant : « ils [le gouvernement] n’ont apparemment jamais
fait un plein de courses. Pour les familles avec des problèmes financiers, les mamans le
disent : même à Lidl c’est cher ! ». La précarité alimentaire est aussi un mal particulièrement
prégnant dans les outre-mer, où la situation économique et sociale est parfois proprement
catastrophique, et le maillage territorial associatif insuffisant. L’association la Cimade
nous a rapporté ses craintes à propos de Mayotte notamment, où la nourriture est
devenue financièrement totalement inaccessible dans certains quartiers. Pour faire
face à cette crise, non seulement alimentaire mais aussi agricole, qui impacte très
fortement les revenus des agriculteurs, la France insoumise a également déposé une
proposition de loi.
20
> Quartiers populaires : stigmatiser et réprimer plutôt que soutenir
Alors que les inégalités sociales et territoriales font rage pendant cette crise, les classes
et les quartiers populaires semblent pourtant plus stigmatisés que soutenus par les
pouvoirs publics dans ces épreuves . Pas de solutions apportées pour soulager les
foyers habitant des logements suroccupés et insalubres, pas de solutions pour le
manque d’accès aux outils numériques et internet, pas de solutions sérieuses contre
la précarité alimentaire…En revanche, dès la première journée de confinement la
procureure de la République de Bobigny a pu constater que la Seine-Saint-Denis
concentrait déjà à elle seule 10% des PV dressés en France. Le ministre de l’Intérieur
lui-même a pris l’exemple de ce département à maintes reprises pour signaler la forte
présence des forces de l’ordre dans les quartiers populaires en temps de confinement.
Le 23 avril, il va jusqu’à affirmer que le nombre de contrôles policiers dans ce départe-
ment est plus de deux fois supérieur à celui de la moyenne nationale ! Pourtant, selon
le préfet de la Seine-Saint-Denis lui-même, le confinement y était « bien respecté », et
les verbalisations ainsi effectuées en masse peuvent avoir un coût non-négligeable
voire insurmontable pour les populations les plus démunies.
Ce qui se joue derrière cette concentration des moyens des forces de l’ordre et de la
répression sur ce département emblématique, plus que le souci sanitaire, c’est l’habi-
tuelle stigmatisation des habitants des quartiers populaires, où qu’ils soient . Une mère
de famille de Roubaix, dont les deux garçons auraient subi des contrôles policiers
intimidants ou violents, témoigne en ce sens dans Reporterre (8 avril 2020) : « Les
policiers n’en ont rien à faire que mon fils attrape ou refile le coronavirus. Juste, ils lui
sautent dessus. » Au nombre élevé de verbalisations, se joint ainsi le problème de
l’usage disproportionné de la force .
20 / « Proposition de loi pour parer à la crise alimentaire et agricole »,
Jean-Luc Mélenchon et les députés du groupe France insoumise, 12 mai 2020.

