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        PARTIE II



                           toujours de maintenir les distances de sécurité sanitaire nécessaires, particulièrement
                           pour les nombreuses personnes habitant dans des villes populaires éloignées de leur
                           lieu de travail. Elles deviennent alors malgré elles, démunies de masques, à la fois
                           des victimes et des propagatrices du virus .

                                     Plus on descend dans l’échelle hiérarchique,

                                   plus les conditions sont précaires et dangereuses
                                   du point de vue de l’exposition à la contamination.
                                   Annie Thébaud-Mony, Sociologue de la santé

                           Le témoignage d’Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l’Inserm et présidente
                           de l’association Henri Pézerat, converge en ce sens. Elle souligne que ceux qui sont
                           aujourd’hui obligés de travailler sont souvent ceux qui ont des statuts précaires, et
                           dresse un constat accablant des conditions de travail dans certains secteurs mainte-
                           nus en fonctionnement.  À titre d’exemple, dans la grande distribution, les mêmes
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                           caissières qui subissent souvent le temps partiel et les CDD, n’ont pas été protégées
                           contre les risques de contamination au début de la crise sanitaire. Au même moment,
                           les chauffeurs routiers , indispensables au transport des marchandises, se sont quant
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                           à eux retrouvés subitement sans accès au minimum vital sur les routes (restauration,
                           logement, etc.). Les personnes exerçant les métiers les plus exposés pendant cette
                           crise sont donc celles  issues  des  classes  populaires,  mais également souvent des
                           femmes. Par ailleurs, de nombreux secteurs maintenus en fonctionnement (comme
                           celui de la distribution du courrier et des colis, le BTP, les centrales nucléaires  ou la
                                                                                                    18
                           collecte des déchets ) recourent abondamment à la sous-traitance, à l’intérim et au
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                           travail de personnes sans-papiers qui sont fragilisées par leur statut, comme l’a souligné
                           Maryline Poulain, chargée des questions d’immigration à la CGT. Résultat, non seulement
                           les personnes sans-papiers représentent une forte proportion des personnes restées au
                           travail durant le confinement, avec des conditions de travail aggravées et souvent sans
                           protections sanitaires nécessaires (en l’absence de contrôles et de rapport de force
                           possible avec l’employeur), mais elles subissent également une double peine en étant
                           dépourvues de couverture médicale.



                           3 / LA ROMANTISATION DU CONFINEMENT EST UN PRIVILÈGE

                           Non seulement les inégalités économiques et sociales préexistantes ont joué un rôle
                           considérable face au virus, mais le confinement est également une double peine pour
                           les plus précaires. Outre la rupture d’égalité face à l’instruction (traité dans la partie E) le
                           confinement peut être subi de manière dramatique sous de multiples aspects. La ro-
                           mantisation du confinement est bien un privilège.


                           >   Inégalités d’accès aux outils numériques et à l’information
                           Si l’accès aux outils numériques depuis chez soi (qu’il s’agisse de posséder un ordina-
                           teur, une connexion internet, une télévision ou une imprimante) est devenu monnaie
                           courante en France, il reste discriminant et absent de nombreux foyers, notamment
                           au sein des classes populaires. Celles et ceux qui parvenaient à y accéder grâce au




                           16 / « Ceux qui vont travailler la boule au ventre », Mediapart, 17 mars 2020.
                           17 / « Les chauffeurs routiers menacent d’exercer leur droit de retrait », Bastamag, 6 avril 2020.
                           18 / « Dans les centrales nucléaires, le Covid-19 inquiète les sous-traitants », Reporterre, 19 mars 2020.
                           19 / « En “ 2  ligne ”, les forçats des déchets infectieux sont submergés », Reporterre, 20 avril 2020.
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