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                                Dans les années 80, un ouvrier avait 4 fois plus de risque
                             de mourir du cancer qu’un cadre supérieur. De nos jours,
                             c’est 10 fois plus de risque.

                             Annie Thébaud-Mony, Sociologue de la santé

                     >  Accès à l’hygiène
                     À l’heure où les mesures sanitaires sont entendues et appliquées quotidiennement par
                     une majeure partie de la population, certains n’ont tout simplement pas la possibilité
                     matérielle de les respecter . C’est le cas de nombreux sans-abris et d’habitants de loge-
                     ments indignes, de foyers, de squats ou encore de campements. Dans les foyers, la
                     proximité et les problèmes sanitaires rendent les gestes barrières et mesures de précaution
                     quasi-impossibles à respecter. Le bilan en nombre de malades est très lourd, comme
                     nous en a témoigné Aboubacar Diallo, délégué du foyer ADEF à Saint-Ouen, qui note
                     également que le foyer a été livré à lui-même en raison de la disparition du représentant
                     du gestionnaire sur le terrain pendant tout le confinement. Ce problème se retrouve
                     dans les centres de rétention administrative (CRA), dont le maintien pendant cette crise
                     a été dénoncé par de nombreux élus et associations. La fermeture des frontières rend
                     pourtant absurde la rétention de ces personnes censées l’être en vue d’une expulsion,
                     mais  aussi parce que  les conditions  sanitaires  y sont tellement dramatiques  qu’il
                     s’agit là d’un véritable danger pour eux et pour le personnel.

                     C’est notamment un problème très prégnant pour beaucoup de citoyens ultramarins, qui
                     subissent de plein fouet les inégalités territoriales de notre pays, comme en Guyane, ou
                     à Mayotte où l’Insee estime qu’un tiers de la population n’a pas accès à l’eau courante.
                     Sans parler des coupures d’eaux fréquentes, d’autant plus dramatiques quand elles concernent
                     les infrastructures publiques, tel l’hôpital de Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe. Ni même
                     parler du non-raccordement à l’assainissement collectif, qui peut se muer en véritable
                     propagateur du virus. Au mieux, le raccordement au réseau collectif concerne 40% de
                     la population pour la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe. À Mayotte, « au moins 80%
                     des foyers mahorais ne sont pas raccordés » selon Michel Charpentier, président des
                     Naturalistes de Mayotte. Au regard du taux de pauvreté plus élevé en Outre-Mer que dans
                     l’hexagone, le poids sur le budget des ménages des dépenses liées à l’eau courante est
                     clairement disproportionné et inégalitaire : 0,8 % dans l’hexagone contre 1,65 % pour la
                     Martinique, par exemple. Comment respecter les gestes barrières dans ces conditions ?

                     >  Accès aux soins
                     À cette difficulté d’accès aux réseaux d’eau s’ajoute celle de l’accès au soin, qui révèle elle
                     aussi d’importantes inégalités sociales et territoriales . Elle peut prendre ses sources
                     dans le manque d’infrastructures (comme à Mayotte, où il n’y avait qu’un centre hos-
                     pitalier et 16 lits en réanimation, pour 270 000 personnes), de matériel adéquat (comme
                     à la Réunion, où le personnel soignant a reçu des stocks de masques moisis) ou de
                     personnel médical (comme à l’Ile-Saint-Denis dans le 93, où il n’y a que 4 médecins
                     traitants pour 8 000 habitants, dont 2 sont tombés malades pendant la crise). Le dé-
                     partement de la Seine-Saint-Denis est emblématique de ce problème, avec un ratio de
                     médecins par habitant plus de trois fois inférieur à celui de son voisin parisien, tandis
                     qu’on y relève une surmortalité très inquiétante durant cette crise : entre le 1  mars et le
                                                                                          er
                     20 avril, il y a eu, selon l’INSEE, 130% de décès de plus qu’à la même période l’année passée.
                     L’accès au soin dans les quartiers populaires est également entravé par le manque de
                     réflexe consultatif en cas de symptômes, qui peut être dû au manque d’information, à
                     la crainte face au manque de soignants disponibles, à celle d’être contaminé sur place,
                     et, pour les personnes sans-papiers, celle d’être inquiétées au niveau légal.
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