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PARTIE II
Cet abandon est d’autant plus lamentable que les consommateurs sont au rendez-vous :
avec le confinement, les agriculteurs, notamment en maraîchage, observent des
hausses de la demande de produits locaux. Un signal très encourageant et qui donne
la direction à suivre pour les politiques agricoles de l’après-pandémie ; pour l’heure,
les politiques agricoles structurelles entravent au contraire la production locale.
Au-delà du seul cas des marchés de plein vent, les débouchés agricoles, notamment
la restauration hors-domicile, sont profondément perturbés par la pandémie . Dans
certains cas, la demande augmente. C’est le cas des steaks hachés frais (+ 35%) et des
steaks hachés surgelés (+ 55%). Mais alors que cette demande tire les prix vers le haut
pour le consommateur, la situation est inique pour les agriculteurs concernés : les prix
qui leur sont payés ont chuté en quelques semaines au cours de la crise. Les acteurs du
secteur revendiquent un prix minimum à hauteur des coûts de production . Ils
prennent sur eux d’organiser des « retenues d’animaux à la ferme » pour ne pas avoir
à vendre à perte. Mais le gouvernement reste sourd, laisse faire passivement et persiste
dans l’incantatoire :
Je suis opposé à un prix garanti car si l’on accorde un prix
minimum pour la viande bovine, ensuite, d’autres
productions le demanderont. Et dans ce cas, nous
changerons de système économique. Je ne pense donc
pas que le prix garanti soit la bonne réponse.
Didier Guillaume, Ministre de l’Agriculture et de l’alimentation
Dans d’autres secteurs au contraire, la demande s’effondre : c’est le cas par exemple
des plants, de l’horticulture, de la viticulture, du lait . Ces situations appellent une
réaction politique. Dans le cas du lait par exemple, on observe très rapidement des
surplus de production massifs, d’autant plus que le printemps correspond au pic annuel
de production laitière. En avril, le surplus de production en France est d’au moins 10%,
un niveau critique. La Confédération paysanne demande sans délai des mesures de
réduction obligatoire des volumes afin de stabiliser à la hausse les prix payés à la
ferme . La délégation de la France insoumise au Parlement européen, soutenue par
d’autres députés (GUE/NGL, Verts, Socialistes) a également porté cette demande. À l’heure
de la crise, nous avons défendu une réduction juste, solidaire et obligatoire des volumes
dans la filière laitière bovine. D’autres acteurs importants du secteur demandent le
financement urgent de mesures de réduction des volumes, si ce n’est obligatoire, au
moins volontaire comme par exemple l’European Milk Board ou le Comité européen
des Régions. Ce type de mesure se décide d’abord au niveau européen, comme de
nombreuses mesures concernant la politique agricole qui est l’une des plus intégrées
de l’UE. La Commission européenne, le Parlement européen, mais aussi tous les États
membres ont un rôle important à jouer. La réaction de la Commission européenne a
été globalement lente et insuffisante. Mais celle de la France n’est dans l’ensemble
pas meilleure : c’est le même laisser-faire, le même abandon, les mêmes mauvais
choix qui priment. Ne tirant aucune leçon du passé, la Commission européenne a
notamment décidé d’aides au stockage privé (pour un montant qui demeure faible) .
Le gouvernement français l’a soutenue . Ce type d’aide a pourtant démontré son inef-
ficacité et sa nocivité lors de la dernière crise laitière de 2015-2016 : d’une part les
stocks accumulés, même subventionnés, tirent très durablement les prix payés à la
ferme en Europe vers le bas ; d’autre part, le lait se stocke en grande partie sous la
forme d’une poudre qui n’est jamais consommée dans l’Union européenne. Elle est

