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PARTIE II
b) Les petits pêcheurs oubliés
Les pêcheurs ont également été frappés de plein fouet par la pandémie . Le secteur a été
durement touché par l’effondrement des débouchés, notamment dans la restauration,
l’interdiction de la vente à quai sauf dérogation, la diminution des prix rendant l’activité
impraticable économiquement, sans compter les restrictions d’activité liées à la nécessité
de respecter les mesures sanitaires de distanciation sur les navires. Mais tous les navires
n’ont pas été touchés de la même façon : la pêche industrielle a pu se poursuivre dans
de nombreux cas, la pratique de la congélation des poissons permettant de faire face
à l’effondrement des débouchés, tandis que la pêche artisanale était plus durement
touchée par l’interdiction de la vente à quai .
La Commission européenne a apporté une première réponse le 13 mars avec, comme
pour le secteur agricole, une augmentation du plafond des aides d’État, autorisant des
aides jusqu’à 120 000 euros. Comme dans le secteur agricole également, un deuxième
paquet de mesures a été adopté au milieu du mois d’avril, comprenant des aides au
stockage, des aides à l’arrêt temporaire et de la flexibilité dans l’allocation des fonds
du FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche). Au niveau français,
l’État a réagi à ces nouvelles possibilités de soutien, notamment par un arrêté du 2 mai
fixant les modalités des aides à l’arrêt temporaire. Cet arrêté a été pris dans des conditions
inacceptables. En effet, seul le Comité national des pêches, qui représente essentiel-
lement la pêche industrielle, a été préalablement consulté. Les représentants de la pêche
artisanale, la société civile et les scientifiques ont été mis de côté. L’appel de 390 petits
pêcheurs côtiers, chefs, mareyeurs, scientifiques, élus locaux et nationaux, eurodéputés,
figures publiques et associations demandant au gouvernement français de sauvegarder
la petite pêche française a été ignoré. En conséquence, l’arrêté avantage excessivement
la pêche industrielle et laisse à quai la petite pêche côtière . En effet, le gouvernement
a choisi d’utiliser le chiffre d’affaires comme unique critère d’attribution des aides à
l’arrêt temporaire, alors même que la petite pêche côtière ne représente que 22 % des
captures en valeur mais couvre 52 % des emplois. En n’incluant aucun critère social et
environnemental en complément du chiffre d’affaires, le ministère de l’Agriculture acte
donc d’emblée que l’essentiel des aides sera capté par les plus gros armements. Le détail
particulièrement scandaleux des modalités de prise en compte du chiffre d’affaire ajoute
encore à cette iniquité et ne devrait laisser que des miettes à la pêche artisanale.
Les subventions vont être distribuées entre amis. Le Comité
national des pêches va sûrement tirer la couverture
à l’avantage des plus gros : ils défendent surtout les intérêts
des gros armements et gros bateaux. Tout est à revoir
sur la politique des pêches et sur les critères de sélection
des pêcheries qui devraient être aidées.
Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France
La réponse du gouvernement français est d’autant plus condamnable que la pêche
industrielle n’est pas durable et que la crise que nous traversons doit être regardée
comme une raison supplémentaire de refonder entièrement notre modèle de pêche .
La pêche industrielle est la première responsable de la quantité de déchets plastiques en
mer. D’autre part, notre consommation de poisson doit être réduite en quantité et évoluer
dans sa nature ; cela implique de sortir du modèle de pêche industriel.

