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PARTIE II
de la tempête, elle annoncera quelques jours plus tard le lancement d’une vaste politique
de rachats des titres de dette italiens : d’abord un programme de 120 milliards d’euros,
suivi le 18 mars de l’annonce de 750 milliards d’euros supplémentaires, permettant de
faire redescendre pour un temps la pression sur les titres italiens.
Dans le même temps, le Conseil de l’Union européenne, qui réunit les ministres des
différents gouvernements, peine à s’accorder sur la nature du soutien économique
nécessaire . Ainsi, si la Commission européenne propose le 13 mars de relâcher les
contraintes du Pacte de stabilité et de croissance, et d’assouplir le régime des aides
d’État, les ministres des Finances réunis le 16 mars se bornent à recenser l’ensemble
des mesures économiques prises au niveau national. Il faudra attendre la réunion de
l’Eurogroupe du 23 mars pour que les propositions de la commission soient mises en
œuvre. Les règles de déficit sont suspendues et les aides d’état sont autorisés. Un à un,
plusieurs dogmes des traités européens tombent . Mais la suspension des règles de
déficit ne résout pas les risques d’envolée des taux des pays en difficulté.
Comme lors de la crise économique de la fin des années 2020, c’est la question de la dette
qui va mettre en valeur les lignes de fractures qui traversent l’Union européenne . À la
veille du sommet européen du 26 mars, neuf États (France, Grèce, Portugal, Italie, Espagne,
Irlande, Belgique, Luxembourg, Slovénie) demandent à ce que soit créé « un instrument
de dette commun émis par une institution européenne » pour permettre aux pays en
difficulté de pouvoir profiter des faibles taux des pays jugés plus sûr d’un point de vue
budgétaire. Mais la proposition est fermement rejetée par un groupe de pays mené par
l’Allemagne et les Pays-Bas. Et si la mise en place d’un soutien financier à travers
l’utilisation du Mécanisme Européen de Stabilité est décidée, les deux blocs ne par-
viennent pas à s’entendre sur d’éventuelles conditions à un tel soutien. À nouveau, les
pays du « club des frugaux » exigent qu’un tel soutien soit assorti de la mise en place
d’un programme d’ajustement macro-économiques, c’est-à-dire d’un plan d’austérité .
Cet épisode exacerba les tensions. Au lendemain du sommet, le ministre des Finances
néerlandais s’interrogera sur les raisons de manque de moyens budgétaires de
l’Espagne, priant la Commission européenne d’ouvrir une enquête à l’encontre de ce pays.
Le Premier ministre portugais qualifia cette déclaration de « répugnante », tandis que
le président du Conseil italien Giuseppe Conte fustigea une Europe « morte ».
L’Eurogroupe (réunion des ministres des finances) des 7 et 9 avril accoucha d’une souris.
Un paquet d’urgence fut décidé. Un soutien temporaire aux systèmes nationaux de
chômage partiel d’un montant largement insuffisant de 100 milliards était mis en place.
Mais le coût d’un tel dispositif pour la France seul est déjà estimé entre 20 et 30 milliards
d’euros. La Banque européenne d’investissement fut mobilisée pour des prêts aux en-
treprises à hauteur de 200 milliards d’euros. Surtout, une ligne de crédit de 240 milliards
d’euros fut déclenchée à travers le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Mais il fut
décidé de l’assortir de conditionnalités à l’exception des dépenses directes de santé.
Quant à l’hypothèse d’un plan de relance, le principe fut acté mais aucun accord n’a
pu être conclu, ni sur son montant, ni sur ses modalités. La communication grandi-
loquente de Bruno Lemaire peina à sauver les apparences. L’Union européenne restait
prisonnière du dogme de l’austérité budgétaire et se révélait incapable de déployer
une réelle solidarité .

