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PARTIE I
concession sur la prime du feu au début de l’année 2020. Les témoignages des personnels
des EHPAD ou de la psychiatrie resteront eux sans réponse. Insensible à la souffrance
des personnels, le gouvernement aurait dû au moins enregistrer les signaux d’alerte
sanitaire : à l’automne 2019, une épidémie de bronchiolite, prévue et anticipée, et pas plus
importante que celle des années précédentes, déferle sur la France métropolitaine.
Très vite, les services d’urgence et de réanimation pédiatriques en Île-de-France sont
complètement saturés. Quarante nourrissons seront transférés en urgence à plus de
200 km de Paris pour faire face… Les médecins s’alarment, mais là encore, les pouvoirs
publics feront la sourde oreille.
5 / MATÉRIEL : UNE IMPRÉPARATION COUPABLE
> Masques : la folle histoire des stocks de l’État
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Dans cette crise, la question des masques sera sans doute apparue comme un révélateur
des carences dans la préparation de l’État. Il est en effet difficile de comprendre comment
notre pays est arrivé si démuni en matériels de protection pourtant indispensables pour
faire face à cette pandémie. Un retour historique s’impose dès lors pour comprendre
la chaîne des décisions politiques qui ont conduit à la dilapidation de stocks pourtant
estimés à plus de 2 milliards de masques il y a 10 ans.
L’épidémie de grippe aviaire (H5N1) de 2006 avait déjà mis en évidence diverses fai-
blesses dans la réponse logistique de l’État . À la suite de cette crise, à l’initiative du
sénateur Francis Giraud, le gouvernement de l’époque avait fait adopter, en mars 2007,
une loi au titre prémonitoire : la « loi relative à la préparation du système de santé à
des menaces sanitaires de grande ampleur ». Celle-ci contenait en particulier deux
dispositions. D’abord la mise en place d’un corps de réserve sanitaire. Ensuite la création
d’un nouvel établissement public, l’établissement de préparation et de réponse aux
urgences sanitaires (Eprus), dont la mission principale était « l’acquisition, la fabrica-
tion, l’importation, le stockage, la distribution et l’exportation des produits et services
nécessaires à la protection de la population face aux mesures sanitaires graves ». Cet
établissement était donc chargé de constituer des stocks nécessaires afin de pouvoir
faire face à une urgence sanitaire. Sa mission couvrait bien sûr les vaccins, mais aussi
les masques chirurgicaux et les masques de norme FFP2. Si cette structure était de
toute petite taille (elle contenait dix-sept agents en 2007, puis trente agents en 2015),
elle disposait néanmoins de moyens considérables .
1
L’exposé des motifs de la loi qui le met en place détaille ainsi la composition du stock :
70 millions de vaccins antivarioliques et autant d’aiguilles, embouts et pipettes ; 81,5
millions de traitements d’antibiotiques en cas d’attaque bioterroriste de charbon,
peste ou tularémie ; 11,7 millions de traitements antiviraux et 11,5 tonnes de substance
active en cas de pandémie grippale ; 285 millions de masques de filtration de type
FFP2 et 20 millions de boîtes de 50 masques chirurgicaux, soit un milliard de masques ;
2 100 respirateurs et bouteilles d’oxygène ; 20 équipements de laboratoires d’analyse
(automates PCR et extracteurs ADN/ ARN) ; 11 000 tenues de protection NR- BC et accessoires.
1 / Interview de Claude Le Pen, Le Monde, 30 mars 2020