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PARTIE I
Pour preuve, à l’époque de Bachelot on avait
constitué entre autres une réserve de masques,
et d’un coup on s’est rendu compte qu’il n’y a
plus de masques : 600 millions de FFP2 qui ont
disparu et un milliard de masques chirurgicaux
qui ont fondu comme neige au soleil.
Jean-Marc Devauchelle, Secrétaire général SUD Santé
Mais la crise du H1N1 de 2008 et 2009 va changer radicalement la donne. Face au
faible bilan de la maladie, la haute administration se convainc d’en avoir trop fait
dans la préparation des épidémies . Ainsi, la Cour des comptes estime à l’époque à
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près de 450 millions d’euros l’ensemble des dépenses d’achat spécifiquement liées à
la lutte contre la grippe H1N1, y compris une indemnisation de 48,5 millions due aux
laboratoires pour rupture unilatérale de contrat. Les critiques de l’époque sur l’argent
donné aux laboratoires pharmaceutiques se traduiront par une baisse massive des
moyens financiers de l’EPRUS. Son budget passe alors de 281 millions en 2007 avant
la crise H1N1 à 25,8 millions en 2015, selon un rapport du sénateur Francis Delattre.
Dès lors, les stocks ont été considérablement réduits puisque des biens arrivant à leur
date de péremption ne seront pas renouvelés. Estimée à 992 millions d’euros en 2010,
la valeur du stock est réduite de moitié pour atteindre 472 millions en 2014 .
Par ailleurs, en 2011, le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) édicte une nouvelle
doctrine. Il faut une grande quantité de masques chirurgicaux pour protéger les popu-
lations face à un risque de pandémie mais les masques de type FFP2, les plus filtrants,
doivent eux être réservés aux professionnels de santé. Dès lors, une circulaire minis-
térielle publiée en novembre 2011 met en œuvre cette stratégie : deux types de stocks
pour les produits médicaux de précaution (médicaments, dispositifs, petit matériel)
sont désormais distingués.
D’un côté, des stocks dits « stratégiques » doivent être détenus par l’État à travers
l’Eprus et visent à couvrir les besoins de la population. On y retrouve en particulier les
masques chirurgicaux.
De l’autre, des stocks dits « tactiques » doivent être constitués par les établissements
de santé pour couvrir en priorité les besoins des personnels, en particulier en matière
de masques de protection de norme FFP2. Soumis à une très forte pression budgé-
taire, ces établissements ne feront pas du renouvellement des stocks une priorité.
Une circulaire du 11 juin 2013 vient parachever une conception totalement cohérente
avec celle de l’hôpital entreprise : ce sont les seuls employeurs qui sont chargés de la
protection des travailleurs alors que l’État, lui, n’aura plus qu’à gérer son propre stock
stratégique destiné au public. En l’espace de deux ans, l’État aura donc transmis la
responsabilité aux établissements de santé, au nom de la décentralisation, de l’auto-
nomie des établissements et de la contrainte budgétaire.
2 /« En 2007, la France avait su mettre au point un dispositif de protection très ambitieux
contre des pandémies », Le Monde, 31 mars 2020.