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PARTIE I
Encore une fois, le « plan d’urgence pour l’hôpital » présenté par Édouard Philippe et Agnès
Buzyn en novembre ne convainc pas, et, le 14 janvier 2020, près de 1100 médecins, chefs
de service, chefs de « pôle » et autres responsables d’unités fonctionnelles de tout le pays
présentent leur démission symbolique. Ils quittent leurs fonctions administratives pour
dénoncer la surcharge de travail, le manque de personnel, la course à l’activité mais
aussi les tableaux Excel qui prennent le pas sur leur temps de soin. Eux aussi réclament
une revalorisation des salaires (et non des primes…) et du budget de l’hôpital. Enfin, le
14 février, tous sont à nouveau dans la rue pour « déclarer leur flamme » au service
public de santé et poursuivre leurs revendications, un mois à peine avant les premières
annonces de Macron et le début de la crise du Covid-19 dans notre pays.
Je suis dans un service où nous sommes en grève
depuis un an, pour réclamer du personnel, des lits,
des moyens logistiques, des augmentations
de salaire, et rien n’est venu !
Christophe Prudhomme, Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France
En psychiatrie, c’est une véritable révolte qui gronde depuis quelques années, avec des
luttes très radicales, à la hauteur du désespoir des soignants . On citera pour exemple,
en juin 2018, les deux semaines de grève de la faim au centre hospitalier du Rouvray et
l’occupation du toit de l’hôpital psychiatrique du Havre ou encore l’emblématique grève
de sept mois à l’hôpital Pinel d’Amiens (dont 109 nuits campées devant l’établissement)
pour obtenir 60 postes infirmiers, achevée en janvier 2019… avec 30 postes obtenus.
Ils demandent des moyens humains et matériels pour pouvoir soigner correctement.
Face à ces demandes humaines, la réponse des pouvoirs publics est celle de la répression :
le devoir de réserve est invoqué et les sanctions disciplinaires sont utilisées pour réduire
au silence celles et ceux qui dénoncent les conditions d’accueil indignes des patients
psychiatriques. Dans les EHPAD, le personnel tire la sonnette d’alarme depuis bien
longtemps . Partout, le niveau de dépendance des résidents et de soins médico-tech-
niques augmente, ainsi que le nombre de troubles démentiels (maladie d’Alzheimer par
exemple). Pour les soignants, cela signifie une charge de travail de plus en plus lourde,
mais aussi de plus en plus pénible physiquement : il y a deux fois plus d’accidents du
travail que la moyenne nationale, plus encore que dans le BTP ! À cela s’ajoutent des
rythmes de travail impossibles : journées continues ou au contraire coupées, alternance
entre jour et nuit… Dès 2017, des mouvements de grève éclatent dans de nombreux
établissements. Ainsi le personnel des Opalines de Foucherans, dans le Jura, mènera
avec Anne-Sophie Pelletier une grève historique de 117 jours d’avril à juillet 2017, une
des plus longues de l’histoire de France. Et le 30 janvier 2018, des dizaines de milliers
de salariés des EHPAD répondront à l’appel national inédit des fédérations syndicales
FO, CGT, CFDT, CFTC, CGC, UNSA et SUD à cesser le travail : un tiers du personnel (hors
personnels assignés) a participé à cette journée. Là encore les soignants et soignantes
dénoncent avant tout la maltraitance institutionnelle que subissent les résidents et
résidentes, l’impossibilité de faire leur travail humainement et réclament notamment
des dotations budgétaires en lien avec les besoins.
Ces alertes sur la souffrance et les difficultés des personnels de différents secteurs du
soin en France ont été largement ignorées et méprisées par le gouvernement. Ainsi,
en visite au sein d’un hôpital accompagné de la ministre Agnès Buzyn, le président
de la République répondait à une soignante qui l’interpellait sur la faiblesse des
moyens accordés à l’hôpital public « qu’il n’y a pas d’argent magique » . La mobilisation
des pompiers sera d’abord réprimée avant que le gouvernement n’accorde enfin une