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                     3 / UNE JUSTICE À BOUT DE SOUFFLE


                     Si la Justice est essentielle pour notre démocratie, en tant que garante de la cohésion
                     sociale, le manque de moyens et les réformes perpétuelles accablent son fonctionnement
                     depuis des décennies et en ternissent le rôle. Ce n’est que grâce à l’abnégation des femmes
                     et des hommes, magistrats, greffiers, avocats, personnels pénitentiaires, personnels de
                     la protection judiciaire de la jeunesse ou associations socio-judiciaires que l’œuvre de
                     la Justice a pu tant bien que mal résister.

                     À l’aune de la crise épidémique du Covid-19, le diagnostic doit être lucide : les justiciables
                     sont victimes d’un service public de la justice à l’agonie . Cette situation est de la res-
                     ponsabilité des gouvernements successifs dont Emmanuel Macron perpétue l’œuvre
                     idéologique : la misère de la justice est un choix politique délibéré. Malgré de récents et
                     insuffisants efforts, la France ne consacre que 0,2% de son PIB au budget de la justice,
                     la France manque de magistrats (seulement 10,4 juges pour 100 000 habitants, très
                     loin de nos voisins européens). Elle dispose d’un budget de l’aide juridictionnelle très
                     insuffisant par rapport aux besoins des plus démunis ainsi que d’un parc immobilier
                     (tribunaux et prisons) largement vétuste, qui fait l’objet de condamnations régulières
                     par les plus hautes instances européennes et internationales. Les auditions menées par
                     notre commission d’enquête ont permis de poser ce diagnostic d’avant crise épidémique
                     en insistant sur trois points principaux : l’engorgement des tribunaux, une surpopulation
                     carcérale endémique, et une profession d’avocat en colère et au bord du gouffre .


                     L’engorgement des tribunaux tout d’abord est illustré dans tous les pans du droit,
                     mais de manière significative au pénal avec l’afflux d’affaires concernant des « gilets
                     jaunes ». L’accumulation de ces dossiers en comparution immédiate a précipité la
                     déchéance des libertés individuelles et des droits fondamentaux au profit de mesures
                     de gestion. Force est de constater que les juridictions sont dans une situation d’embo-
                     lie avec des délais de jugement très longs ; certaines juridictions ont un allongement
                     moyen des délais de neuf à douze mois. Cette embolie et cette logique d’abattage ont
                     conduit à une perte totale de sens pour la justice. Les professionnels de la justice ne
                     sont plus en mesure d’effectuer leurs missions et les justiciables perdent toujours plus
                     confiance  en  la  justice,  pourtant  essentielle.  Ensuite, la situation des  prisons  en
                     France est depuis longtemps préoccupante, marquée par une surpopulation carcérale
                     endémique et une crise profonde des métiers pénitentiaires. La condamnation par la Cour
                     européenne des droits de l’homme (CEDH), le 30 janvier 2020, exhortait d’ailleurs la France
                     à prendre des mesures pour mettre définitivement fin à la surpopulation carcérale. Toutes
                     les personnes intervenantes en prison décrivent une situation dégradée et dégradante,
                     qui ne permet pas l’accomplissement des missions de réinsertion et de sécurité, bien
                     au contraire. Enfin, c’est la situation des avocates et des avocats qui est préoccupante
                     à l’orée de l’épidémie de Covid-19. En effet, face à la réforme des retraites, les avocats ont
                     mené un mouvement de grève sans précédent, qui a fragilisé durablement l’équilibre
                     économique d’un grand nombre de cabinets d’avocats. Non content d’un mutisme
                     empreint de mépris, le gouvernement aux abois a cherché sans cesse à désigner les
                     avocats comme responsables de la dégradation du service public de la justice, montant
                     ainsi les professionnels les uns contre les autres.
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