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        PARTIE II



                           A / DES SERVICES DE SANTÉ DÉBORDÉS



                           1 / L’HÔPITAL SUBMERGÉ, UNE TECHNOCRATIE À LA DÉRIVE

                           La crise sanitaire aura frappé de plein fouet un service hospitalier affaibli par les poli-
                           tiques de marchandisation et de compression budgétaire. Rapidement débordées, les
                           capacités hospitalières des zones du territoire les plus touchées ont été augmentées
                           dans l’urgence . Un hôpital militaire a été installé à Mulhouse et des transferts de patients
                           sont organisés par avions et par trains médicalisés.

                                     Le coût actuel est très important. Arrivée à saturation

                                   actuellement, il faut déplacer des malades.
                                   Mais pourquoi ne pas avoir déplacé et fait venir
                                   des soignants dans l’Est et dans l’Île-de-France
                                   plutôt que de déplacer les malades ?

                                   Annie Thébaud-Mony, Sociologue de la santé


                           Dans le même temps, des ratés apparaissent dans le manque de coordination entre le
                           public et le privé ou de l’absence d’intégration de la médecine de ville dans la riposte
                           sanitaire. C’est le 16 mars que le ministre de la Santé demande aux cliniques privées
                           de déprogrammer leurs interventions afin d’augmenter significativement la capacité
                           de soins critiques. Mais le 22 mars, la Fédération des hôpitaux privés fait part de son
                           incompréhension  devant  la non-utilisation  des ressources ainsi  libérées. Dans le
                           Grand-Est par exemple, alors  que  des transferts de  patients sont organisés  vers
                           d’autres régions, les 70 places de réanimation libérées dans les cliniques privées ne
                           sont pas toutes sollicitées. Bien sûr, cet élément peut s’expliquer en partie par le fait
                           que le privé traite peu, en temps normal, les soins urgents, et donc que les patients n’y
                           étaient pas orientés en priorité. Mais aussi par la lenteur des agences régionales de
                           santé (ARS) à délivrer aux cliniques privées des autorisations à accueillir des patients
                           atteints du Covid-19 et par leur incapacité à organiser une bonne coordination entre
                           les différents acteurs. Faisant primer l’efficacité de la riposte sanitaire, plusieurs éta-
                           blissements de santé, publics comme privés, mirent d’ailleurs en place leurs propres
                           outils de coordination .
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                                     On compte sur la solidarité entre professionnels,

                                   entre citoyens, et l’État est complètement défaillant
                                   et absent. Notamment les agences régionales de santé
                                   qui devraient être là pour organiser tout ça.
                                   Christophe Prudhomme, Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes
                                   de France

                           Au sein des hôpitaux aussi, face à des gestionnaires incapables de réagir dans l’urgence,
                           ce sont souvent les équipes de soin qui ont repris la main pour accroître les capacités
                           en réanimation, pousser les murs ou trouver des solutions de débrouille afin de faire



                           1 /  « Coronavirus : pourquoi les établissements de soins privés sont restés en deuxième ligne »,
                             Le Monde Les Décodeurs, 10 avril 2020.
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