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PARTIE II
Ce refus d’endosser le rôle de l’État stratège a conduit le gouvernement à refuser d’avoir
recours à des nationalisations pourtant nécessaires . L’exemple le plus symbolique
est celui de l’entreprise Luxfer qui fournit des bouteilles d’oxygène pour les unités
d’assistance respiratoire à domicile, pour les unités médicales mobiles ou pour les
services de secours, c’est-à-dire lorsque les cuves d’oxygène liquide des hôpitaux ne
peuvent pas être utilisées. Depuis la fermeture de Luxfer il y a un an, Air Liquide, qui
commercialise les bouteilles pleines, se retrouve dans l’obligation de s’approvisionner
en Turquie, aux États-Unis, à Taïwan et en Angleterre, ce qui fait courir un risque de
rupture d’approvisionnement. Alors que les salariés de l’entreprise ont proposé une
reprise de l’activité sur le site, et alors que l’équipement nécessaire à la production s’y
trouve toujours, le gouvernement a laissé lettre morte les demandes d’une reprise par
l’État. Malgré la mobilisation citoyenne, l’intervention de plusieurs élus de la France
insoumise ou du PCF, malgré une pétition initiée par les salariés, le gouvernement
aura refusé toute forme de nationalisation.
5 / LA DIFFICILE GESTION DE LA CRISE SANITAIRE EN OUTRE-MER :
L’EXEMPLE DES ANTILLES
La difficile gestion de la crise sanitaire est d’autant plus dramatique en outre-mer, du
fait des inégalités et manques de moyens préexistants. La situation des Antilles est
particulièrement emblématique . En Guadeloupe, le centre hospitalier universitaire
(CHU) de Pointe-à-Pitre rencontre des problèmes récurrents de fonctionnement am-
plifiés depuis deux ans et demi par un incendie, en novembre 2017, dont les dégâts
n’ont toujours pas été complètement réparés. Une partie des patients et patientes sont
ainsi régulièrement redirigés vers la Martinique qui connaît aussi son lot de difficul-
tés. Au CHU de Fort-de-France, le docteur José-Luis Barnay, membre du syndicat des
médecins hospitaliers et du collectif « Martinique contre le Covid-19 » explique : « En
Martinique, comme dans toute la Caraïbe, quand il y a une crise sanitaire, il faut for-
cément anticiper : on ne sait pas comment les choses vont se passer mais on ne pour-
ra pas repartir les patients vers des territoires proches, comme en métropole. Il n’y a
pas de plan B possible. ». Les inégalités sont criantes : « On veut tout simplement
l’équité pour l’accès aux soins de tous les Français, y compris les Français des Outre-
mer. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. » Le tableau qu’il dépeint souligne l’état du secteur
hospitalier. « Les structures sont vieillissantes, il y a des problèmes de taille, de venti-
lation, à cause d’années de difficulté de gestion financière, de non considération du
climat etc. En temps normal ça passe mais quand le système est en tension, on voit
tous les problèmes ressurgir. » 6
L’habitude de se débrouiller avec peu et la conscience qu’il n’y a « pas de plan B possible »
ont amené tout le personnel médical à faire preuve d’une grande réactivité : réorganisation
des services hospitaliers ; anticipations des problèmes possibles liés aux pluripatho-
logies, à la précarité et au peu de recours aux soins dans la population ; « débrouille »
pour faire face à la pénurie de matériel de protection.
Pour les masques, l’approvisionnement s’est fait bien souvent
fait par les communautés chinoises et indiennes ; les abattoirs
et magasins de bricolage ont fourni visières et équipements
de protection, d’autres ont été fabriqués par des ateliers
6 / « Martinique : Un système hospitalier structurellement déficient - Commission d'enquête Covid-19 »,
audition de José-Luis Barnay, 6 mai 2020.

