Page 49 - L'Empreinte du temps
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dans son esprit. Celle-ci s’était éteinte immédiatement au contact des
          feuilles humides. Il avait généreusement plu deux jours plus tôt et
          Gilles considéra qu’il s’agissait véritablement d’un cadeau du ciel sans
          que cette pensée lui fût suggérée par la petite voix de la sécurité. Il
          s’accroupit en ployant difficilement les genoux malgré son jeune âge
          et avec les mains ramassa le plus de feuilles qu’il pouvait autour de
          lui.  Elles  étaient  mouillées  et  ne  pourraient  sans  doute  pas
          s’embraser.  Mieux  même,  en  volume  suffisant,  elles  pourraient
          permettre d’enrayer toute tentative d’expansion du brasier et à la fin,
          lorsqu’il  n’y  aurait  plus  que  quelques  braises  fumantes,  éteindre
          définitivement le foyer et en masquer la présence. La première étape
          de son plan s’était finalement, à tout bien considérer, plutôt pas mal
          déroulée  et  Gilles  dont  la  tension  musculaire  s’était  quelque  peu
          relâchée  afficha  sa  satisfaction.  Son  pantalon  était  totalement
          trempé au niveau des genoux et ses mains noires de terre et de boue
          mêlées mais il était satisfait. Un criminel accompli n’aurait pas fait
          mieux. Ce fut sa conclusion provisoire.
            Restait maintenant à se rendre jusqu’à la mare. A partir de ce point
          si tant est que sa mémoire fut exacte il devait y avoir tout au plus une
          centaine de mètres à parcourir en suivant tout simplement le chemin.
          Effectivement  la  mare  lui  apparut  comme  espéré  après  quelques
          minutes de marche. Elle semblait plus petite que dans ses souvenirs
          mais bien suffisante pour accomplir ce qu’il devait faire. Il pensa alors
          dans un rire nerveux qu’il était heureux de ne pas avoir à immerger
          un  cadavre  entier  à  moins  d’envisager  une  autre  solution.  Plus
          profonde. Désormais sans aucune appréhension ou dégoût il sortit du
          sac  poubelle  la  main  accrochée  à  son  lest.  Il  s’approcha  le  plus
          possible du bassin naturel en prenant bien appui sur ses deux jambes
          comme s’il s’apprêtait à réaliser un lancer du poids. En cette minute
          il n’allait pas, dans son esprit, jeter un membre humain mais rien
          d’autre qu’un objet devenu inutile. Il n’aurait pas agi autrement s’il
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