Page 66 - le barrage de la gileppe
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               » Le   « crin de roche »

                   Un facteur des postes dolhaintois pensionné, M. Joseph Stolsem, d’origine
               jalhaytoise, dont la mémoire était riche de souvenirs savoureux, avait parlé d’un lieu
               peu connu de la Gileppe : le « crin ».

                   Dans sa Toponymie à laquelle, comme on voit, nous revenons souvent, Jules
               Feller cite le « crin de roche » ou « crain de roche » en le situant ainsi : « moitié de la
               terre, entre la Grande Voie et celle d’Aix-la-Chapelle », soit entre le chemin de
               Herbiester et le sentier de Néau. « Cette brèche entre deux rochers, ajoute-t-il, devait
               être vers la Gileppe, en aval du côté du bois du Prince (1770) qui est Hoboster. »

                   Un sentier dévalant de Herbiester et se lovant par les bois de Hoboster conduit à
               ce « crin », dont nous a parlé avec plus de détails M. Stolsem. Le chemin vient
               aboutir en face du ruisseau du Trou Malbrouck.

                   La Gileppe passe sur une profonde crevasse ouverte dans le rocher. Au temps
               jadis, des gens du village ont tenté d’en mesurer la profondeur, à l’aide de perches,
               sans en toucher le fond.

                   — Quand j’étais gamin, nous a dit M. Stolsem, il m’arrivait de passer la Gileppe à
               gué près du « crin », et mon père m’avertissait : « Louke a t’sogne ! Si t’eschèrdjî,
               tape tu paquèt d’ l’aute costé ! » (Fais attention ! Si tu es chargé, jette ton paquet à
               l’autre bord !) De crainte d’être entraîné par le courant dans le gouffre.

                  Le « crin » se trouve à environ deux cents mètres en aval du pont Bodet. A propos
               de pont, signalons qu’il existait autrefois, sous le Louba, une passerelle dénommée
               bizarrement « lu pont dè thier d’èl vote ». Lequel « thier », en forte pente, avait été
               plus d’une fois le théâtre d’accidents, d’où cette appellation populaire, une « vote »
               (une crêpe) que l’on fait sauter, suggérant l’image d’une culbute.

                   Le «thier delle voet » est cité en 1513; La carte de Ferraris porte «Bois Tierne à la
               Voode » et une déformation du mot en a fait « d’èle vote », jusque dans l’ouvrage de
               J.-S. Renier. Selon Feller (Toponymie de la commune de Jalhay), « dervoet »
               s’explique par le dialecte île la région voisine, Membach et Baelen. « Der vot »
               signifie « le derrière ». Ce serait tout simplement l’équivalent du lieu-dit « bwès d’rîr »
               — bois de derrière (Herbiester).

                   Ce « pont dè thièr d’èl vote » était encore dénommé pont dè fond d’I’èwe (pont du
               fond de l’eau).


                                        Les charbonniers de la Gileppe



                  Dans la seconde moitié du siècle dernier, nous apprend encore M. Stolsem, alors
               que les routes d’exploitation Forestière n’existaient pas, les habitants des villages

               fagnards se livraient à l’industrie charbonnière dans la forêt.

                   Ils disposaient en rond, au milieu d’une clairière, de gros bois qu’ils recouvraient
               de brindilles et de fagots de sapin, puis ils empilaient sur ces fondations des bûches

               dans un Le   bûcher  était  tapissé  de  terre,  d’argile    si possible  et,  par  l’ouverture

               laissée  en  dessous,  à la  base  des  rondins,  les  charbonniers  « boutaient    le feu    ». Ils

               pratiquaient  des  trous  d’aérage  par-ci  par-là,  pour  régler    la combustion  qui  devait  se
               faire  lentement.ordre convenu.
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