Page 84 - le barrage de la gileppe
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Discours et paroles royales 84
Au bas de la rampe conduisant à la gare de Dolhain, les Fanfares de fa localité
saluèrent l’arrivée du roi d’une impeccable Brabançonne, et M. Dujardin,
bourgmestre de Limbourg, s’avança vers la voiture royale pour lire un discours. La
foule applaudit à tout rompre, et un cortège se forma, pour suivre la voiture de la
cour, attelée à la Daumont et précédée de postillons pimpants.
Il faisait un temps magnifique. Le soleil brillait dans un ciel sans nuages et le
village de Goé était en fête. De la gare jusqu’à Béthane-Membach, des milliers
d’ouvriers et de paysans endimanchés faisaient la haie et agitaient des mouchoirs au
passage du souverain, qui répondait de la main, débonnaire.
On s’arrêta à Béthane, sur le territoire de la commune de Membach, où le
bourgmestre, M. Grandfils, lut un nouveau discours, puis le cortège s’engagea sous
les voûtes du feuillage tamisant les rayons dorés, par la route menant au barrage.
Une estrade avait été dressée face au lion. De chaque côté des trottoirs, les
soldats du 11° de Ligne formaient un cordon d’honneur. Dans la cohue des invités et
des curieux, les reporters se frayaient passage pour ne rien perdre des paroles
historiques que le roi allait prononcer. Celui-ci descendit de voiture et s’arrêta
longuement devant le lac.
— C’est superbe ! superbe ! superbe ! s’écria-t-il.
M. Ortmans-Hauzeur sortit des poches de sa redingote un rouleau de papier et se
mit à lire son discours. Cela devenait un peu long, et lorsque le bourgmestre eut
terminé, le roi lui demanda, en souriant :
— Avez-vous fini, monsieur le Bourgmestre ?
— Oui, Sire...,répondit l’imposant magistrat.
Le roi put enfin dire quelques mots... La brève allocution qu’il prononça se terminait
par la prière de faire une petite promenade le long de la chaussée.
Mais on lui rappela sa promesse de boire de l’eau de la Gileppe, et un domestique
lui apporta un verre de cristal, rempli d’une eau limpide .
— Est - elle bien authentique ? demanda il - t - (« avec finesse», ajoute un chroniqueur
chargé du compte rendu).
Et il vida son verre, lentement, comme s’il dégustait un grand cru, pour donner
ensuite sur la qualité des eaux une appréciation dont les termes sont hélas perdus
pour la postérité
La foule, retenue à distance, était massée aux deux bouts île la chaussée et le
long de la «nouvelle route » de Jalhay, bordée de mâts couronnés d’oriflammes.
Des barquettes, dispersées en travers du lac, devant le barrage, étaient également
reliées par des cordons de drapelets.
« Sire, je ne peux pas... »
Notre illustre concitoyen, l’historien Henri Pirenne, a raconté une amusante
anecdote à propos de cette visite royale.
A l’époque, c’était un sage petit jeune homme, premier de rhétorique à l’Athénée
de Verviers, titre qui lui avait valu d’être désigné pour prononcer un discours (un
de plus !) devant Sa Majesté. .