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moment où la dépression contracte les recettes des États, creuse très
rapidement les dettes publiques. Dans l’Union européenne, les règles
absurdes de discipline budgétaire sanctuarisées par le Pacte de stabilité -
des déficits et une dette publics limitées respectivement à 3 % et à 60 % du
PIB - sont suspendues. Le gouvernement français, par exemple, table sur un
déficit public de 9% du PIB et d’une dette publique de 115% du PIB qui
accompagneront une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 8% en
2020. D’autres estimations disent que la récession pourrait être de -10 %
avec mécaniquement un déficit et une dette publique plus élevés encore.
L’explosion à venir des dettes publiques dans l’Union européenne oblige la
banque centrale européenne à intervenir massivement sur les marchés
financiers pour éviter que la spéculation ne se déchaîne contre les Etats les
plus endettés – et notamment l’Italie, l’Espagne voire même la France. Dès
le 17 mars, la BCE a annoncé qu’elle pourrait désormais acheter
spécifiquement les dettes publiques des pays en difficulté modifiant son
programme antérieur de quantitative easing (facilitation de liquidités) qui
la contraignait à acheter les obligations de tous les pays en fonction de leur
poids dans le capital de la BCE. Cette nette inflexion de la politique
monétaire vise à empêcher une flambée des taux d’intérêt qui reconduirait
le début du scénario infligé à la Grèce à partir de 2010 et, dans une moindre
mesure au Portugal, à l’Espagne et à l’Italie. L’Etat grec fût contraint
d’appliquer des plans socialement cruels d’« ajustement structurel » en
contrepartie des « aides » de la BCE et du FMI. Dix ans plus tard, le taux de
chômage des jeunes s’élève à près de 40 % en Grèce. Le carcan austéritaire
imposé par ces institutions supranationales était censé infléchir à terme les
anticipations des marchés financiers sur les emprunts grecs, c’est-à-dire,
plus prosaïquement, les calculs des grands groupes bancaires et des fonds
de placements qui s’enrichissent en spéculant sur les dettes publiques. Si
des taux démentiels qui interdisent de se refinancer sur les marchés étaient
aujourd’hui imposés à l’Europe du Sud, le dénouement de cette nouvelle
crise des dettes souveraines serait sans doute fatal à l’euro. Dans la crise
actuelle, le volume gigantesque des mouvements en jeu sur le marché des
capitaux, le poids économique et politique des Etats menacés par les
marchés financiers, conduiraient probablement à l’éclatement rapide de la
zone euro.
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