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152 FESPACO/BLACK CAMERA/INSTITUT IMAGINE 12:2
des modèles politiques nationalistes. Des films, autrefois autorisés, sont
censurés comme Fajr el islam car « le contexte politique a transformé notre
point de vue » : « Ce panégyrique de l’Égypte est actuellement inopportun.
Quant au déroulement de l’action, essentiellement religieuse, on peut y voir
une glorification de la guerre sainte. La scène de la bataille des Mekkois
contre les Médinois pourrait être censurée au nom de la violence » .
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La volonté d’interdictions, qui se heurte aux protestations des distributeurs
ayant déjà importé les films, constitue toutefois un chant du cygne ; elle est
définitivement marginalisée par l’affaiblissement de la France consécutif à
la crise de Suez .
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Même si les films égyptiens renvoient au même continent, ils ne
sont pas englobés spontanément dans la catégorie des « films africains »
que réclament beaucoup de spectateurs.
« J’attends avec impatience la naissance d’un cinéma africain, non pour y
voir danser la valse ou évoluer des cow-boys africains, mais pour apprendre
l’histoire réelle de mon pays, l’histoire radicalement niée par la majorité
des historiens » .
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Contrairement à ces vœux mais aussi aux conclusions d’enquêtes,
comme celles réalisées au Nigéria en 1951, le désir de films reflétant des
situations familières ne rencontre guère d’échos auprès de l’industrie du ci-
néma ou des autorités administratives. Le cinéma colonial, présentant une
image déformée des sociétés africaines et un message condescendant, voire
raciste, ne répond pas à cette demande. Il vise avant tout les publics métro-
politains et n’est, à vrai dire, guère diffusé dans les salles commerciales. 33
Ponctuellement, certaines unités de film colonial (Colonial Film Units,
CFU) intègrent des techniciens locaux dans la production des films. Ces
ouvertures sont toutefois ambigües puisque, tout en inventant des histoires
mettant en scène des Africains, les films demeurent conçus et supervisés
par des Européens. Il n’empêche. Le premier film de fiction, The Boy Ku-
masenu (1952), tourné au Ghana sous la direction de Sean Graham rencon-
tre un beau succès car les spectateurs sont heureux de voir à l’écran des
gens qui leur ressemblent .
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Au Congo belge, des films sont tournés par les missionnaires, no-
tamment l’abbé Cornil, avec des acteurs congolais, mais ils véhiculent les
préjugés ambiants, au point qu’il est inconcevable d’en projeter certains en
Belgique car « ils seraient de nature à accréditer la légende tenace de la stu-
pidité et de la malhonnêteté congénitale de la race congolaise », et ils cho-
queraient des populations « évoluant ou évoluées, qui y [verraient] une
charge à l’adresse de la race noire tout entière » . A l’opposé, le Groupe-
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