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Odile Goerg / La génération des indépendances                153

          ment culturel belgo-congolais, qui fonde un ciné-club à Léopoldville dès
          1950, se donne pour objectif de réaliser des « œuvres originales congo-
          laises »,  mais ses moyens sont limités .
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                 Dans les colonies françaises, les initiatives de ce type sont excep-
         tionnelles. Les attendus du « V concours national du film amateur de la
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          France d’Outre-Mer » de 1958, confirment le gouffre existant entre l’effer-
         vescence indépendantiste et la vision du ministère de la France d’outre-
         mer : « Il serait souhaitable que les concurrents choisissent de préférence
         des sujets qui permettraient de rendre sensible l’évolution des conditions
         de vie matérielle et morale des populations autochtones sous l’influence et
         l’aide de la France dont les efforts et les sacrifices consentis en faveur de
         ces mêmes populations sont trop souvent peu connus à l’étranger et même
         dans notre pays » .
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                 Partout, les réticences sont vives à donner les moyens, techniques
          et financiers, à des colonisés de réaliser leurs propres films. Afrique-sur-
          Seine, tourné à Paris en 1955 et considéré comme le « premier film de fic-
          tion africain du sud du Sahara » , a été réalisé par le Groupe africain de
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          cinéma (GAC), composé de  Paulin Vieyra, Dahoméen, premier étudiant
          africain  accepté  à  l’IDHEC (promotion 1952-1955),  Mamadou  Sarr,
          Robert  Caristan  et  Jacques  Mélo  Kane.  Guère  diffusé  à  l’époque,  il
          souhaite offrir aux Africains une autre image que celle véhiculée par le
          discours co- lonial. Mais le GAC peine à obtenir une maigre subvention en
          1957 alors qu’il est : « le seul organisme groupant des Africains qui ont
          véritablement fait des études de cinéma et qui connaissent bien leur métier,
          organisme qui n’est soutenu ni par l’administration, ni par des finances
          privées » .
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                 En 1958, Mamadou Sarr rédige un mémorandum, Première his-
         toire du cinéma et du théâtre africains, pronant la naissance d’un cinéma
         africain et sollicitant l’aide de l’administration . La question est discutée
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         lors des Rencontres Internationales sur Le cinéma et l’Afrique au sud du
         Sahara, organisées à Bruxelles en juillet 1958. Paulin Vieyra y intervient,
         exprimant clairement la nécessité pour les Africains de prendre les choses
         en mains: « Chaque fois que les Africains ont eu à se prononcer sur leur
         destinée, ils l’ont  toujours  fait  d’une manière  fort  différente de celle
         qu’avaient imaginée les Européens » .
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                 David Acquah, agent principal des Affaires sociales (principal wel-
         fare officer), au Ghana, alors pays indépendant, dénonce pour sa part « l'idée
         dominante qu'une personne analphabète a la mentalité  d'un  enfant  » .
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          Même si leurs positions sont soutenues par des personnalités comme Jean
         Rouch ou Luc de Heusch, des voix rétrogrades continuent à se faire en-
          tendre ; ainsi William Sellers, ancien dirigeant du CFU, «pensait que les
         Africains pouvaient jouer un rôle plus
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