Page 173 - Livre2_NC
P. 173
164 FESPACO/BLACK CAMERA/INSTITUT IMAGINE 12:2
Sissoko, représentant du Mali : «Considérant la nocivité de la projection
des films à épisodes dramatiques sur l’esprit de la jeunesse africaine ; consi-
dérant que les séquences de certains films sont contraires aux principes de
moralité édictés par les traditions de ce pays » .
81
La réforme de la commission de contrôle de Dakar, en juillet 1954,
répond à leurs demandes : elle accueille désormais des représentants de
l’Ordre des médecins, des centres culturels et des associations familiales .
82
Elle exige aussi que les interdictions aux mineurs soient affichées claire-
ment devant les salles et contrôlées par les exploitants. Ceci semble toute-
fois illusoire et les distributeurs rejettent la responsabilité sur les autorités:
«L’interdiction, pour certains films, aux mineurs (moins de 16 ans) devrait
suffire comme mesure restrictive pour la protection et la moralité de la jeu-
nesse. Son application est du ressort des agents de police au contrôle de
chaque salle, les caissiers des cinémas ne peuvent savoir si les billets sont
délivrés à un adulte pour des mineurs d’une part. D’autre part, il ne nous
est pas possible de demander l’état-civil à chaque spectateur, celui-ci, d’ail-
leurs, n’existant pas en Afrique ». 83
Des activistes s’expriment aussi dans le cadre d’associations chré-
tiennes. En Sierra Leone, la section des jeunes du United Christian Council
of Freetown, fondée en 1947 et composée presque exclusivement d’Afri-
cains, critique les films diffusés et souhaite un changement . Ceci contri-
84
buera, dix ans plus tard, à un amendement de la Loi sur le cinéma,
accroissant les pouvoirs de la commission, afin, notamment, de mieux pro-
téger les enfants . A Dakar, Cyrille Aguessy, médecin dahoméen, président
85
du Comité catholique du cinéma au Sénégal, annonce la création en 1954
d’un Comité catholique africain du cinéma. L’idée est de guider les coreli-
gionnaires dans le choix des films, en ayant conscience « des richesses de
civilisation que le cinéma peut offrir à l’évolution de l’Afrique et des dan-
gers qu’il présente aussi à son ascension humaine », double facette du ci-
86
néma. Même si leur action est plus discrète, certains groupes musulmans
s’activent dans le même sens. Ainsi, à Dakar, Majhmout M’bengue, pré-
sident de la Dahiratoul Islam (cercle islamique), alerte le gouverneur la
même année : «Notre association est désireuse de promouvoir une action
d’assainissement dans les milieux de jeunes musulmans par la lutte contre
certains films nuisibles à leur éducation, qui sont très souvent projetés à
Médina » .
87
Notabilités, premiers élus, scolarisés et militants partagent avec les
autorités coloniales ces préoccupations mais leurs objectifs ne sont pas les