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             Sissoko, représentant du Mali : «Considérant la nocivité de la projection
             des films à épisodes dramatiques sur l’esprit de la jeunesse africaine ; consi-
             dérant que les séquences de certains films sont contraires aux principes de
             moralité édictés par les traditions de ce pays » .
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                     La réforme de la commission de contrôle de Dakar, en juillet 1954,
             répond à leurs demandes : elle accueille désormais des représentants de
             l’Ordre des médecins, des centres culturels et des associations familiales .
                                                                             82
             Elle exige aussi que les interdictions aux mineurs soient affichées claire-
             ment devant les salles et contrôlées par les exploitants. Ceci semble toute-
             fois illusoire et les distributeurs rejettent la responsabilité sur les autorités:
             «L’interdiction, pour certains films, aux mineurs (moins de 16 ans) devrait
             suffire comme mesure restrictive pour la protection et la moralité de la jeu-
             nesse. Son application est du ressort des agents de police au contrôle de
             chaque salle, les caissiers des cinémas ne peuvent savoir si les billets sont
             délivrés à un adulte pour des mineurs d’une part. D’autre part, il ne nous
             est pas possible de demander l’état-civil à chaque spectateur, celui-ci, d’ail-
             leurs, n’existant pas en Afrique ». 83

                     Des activistes s’expriment aussi dans le cadre d’associations chré-
             tiennes. En Sierra Leone, la section des jeunes du United Christian Council
             of Freetown, fondée en 1947 et composée presque exclusivement d’Afri-
             cains, critique les films diffusés et souhaite un changement . Ceci contri-
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             buera,  dix  ans plus  tard,  à un  amendement  de la Loi sur  le cinéma,
             accroissant les pouvoirs de la commission, afin, notamment, de mieux pro-
             téger les enfants . A Dakar, Cyrille Aguessy, médecin dahoméen, président
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             du Comité catholique du cinéma au Sénégal, annonce la création en 1954
             d’un Comité catholique africain du cinéma. L’idée est de guider les coreli-
             gionnaires dans le choix des films, en ayant conscience « des richesses de
             civilisation que le cinéma peut offrir à l’évolution de l’Afrique et des dan-
             gers qu’il présente aussi à son ascension humaine », double facette du ci-
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             néma. Même si leur action est plus discrète, certains groupes musulmans
             s’activent dans le même sens. Ainsi, à Dakar, Majhmout M’bengue, pré-
             sident de la Dahiratoul Islam (cercle islamique), alerte le gouverneur la
             même année : «Notre association est désireuse de promouvoir une action
             d’assainissement dans les milieux de jeunes musulmans par la lutte contre
             certains films nuisibles à leur éducation, qui sont très souvent projetés à
             Médina » .
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                     Notabilités, premiers élus, scolarisés et militants partagent avec les
             autorités coloniales ces préoccupations mais leurs objectifs ne sont pas les
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