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             font appartenir à la communauté des hommes. Il s’engage et nous engage
             pour une vision humaniste forcément plus complexe que les raccourcis ino-
             pérants. Dans Vent divin, Merzak Allouache fait d'une fanatique un être de
             désir qui se transforme en monstre quand il s’agit d’agir.

                6.3 Les pistes du renouveau

             6.3.1  Une vision du semblable
                Comme l’écrit Felwine Sarr, « les limites sont toujours mentales  ».
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             Cela passe aussi bien par des synthèses culturelles et des syncrétismes que
             par des détournements ou la décolonisation des esprits. Le cinéma décons-
             truit les frontières et les assignations identitaires autant qu’il prend pour
             socle les puissances culturelles. C’est dans ce paradoxe que se pensent les
             possibles malgré les fragilités et les menaces des temps présents. Ce chan-
             gement de paradigme implique une impressionnante inventivité pour pren-
             dre sa place dans le monde, une place refusée depuis si longtemps. On voit
             ainsi des jeunes afro-descendants revenir en Afrique pour se ressourcer :
             Ady dans Wallay de Berni Goldblat ou Ibbe dans Tant qu’on vit de Dani
             Kouyaté (Burkina Faso).

                On parle toujours de l’Afrique comme un continent à part, celui des dou-
             leurs, celui des marges, un ailleurs. Engendrer une vision du semblable et
             non une vision de la différence reste une des grandes tâches des expressions
             culturelles africaines. L’enjeu est d’appartenir à égalité à l’humanité, comme
             le prônait déjà Afrique sur Seine ! Mettre en valeur l’apport africain, la part
             africaine de l’histoire du monde, va dans ce sens, autant que la part du
             monde dans l’histoire africaine, comme le font nombre de documentaires.
             L'appel au cinéma de genre est à voir dans cet esprit : des héros écartelés,
             dont la fuite dans la nuit est un vertige. C’est Siirou dans Dakar trottoirs
             d’Hubert  Laba  Ndao  (Sénégal),  ou  Riva  dans  Viva  Riva  !  de  Djo
             munga (RDC). Leur vie ne tient qu’à un fil : ce sont des funambules de la
             grande ville. Leur art est un art du péril. Ils ne défient pas le vide, ils le
             prennent comme appui. Cette hétérogénéité n’est pas une inauthenticité
             mais une chance, « les ressources privilégiées de notre propre dépassement
             »,  écrit  Achille mbembe . Or, il se trouve, poursuit Mbembe, que «
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             c’est sur le continent africain que la question du monde (où il va et ce qu’il
             signifie) se pose désormais de la manière la plus neuve, la plus complexe et
             la plus ra- dicale ».
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