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Férid Boughedir / Les mésaventure du panafricanisme cinématographique   275

         jusque-là ce marché. Le rachat de ce réseau organisé de distribution permit
         la mise en place à Ouagadougou  de deux organismes complémentaires, le
         Consortium Interafricain de Distribution Cinématographique (CIDC) et le
         Centre interafricain de production de films (CIPROFILM), le premier de-
         vant dégager des bénéfices de la diffusion des films de toutes origines pour
         alimenter financièrement l’action de soutien aux films africains qui était le
         lot du second, les deux organismes étant dirigés par le cinéaste et universi-
         taire nigérien Inoussa  Ousseini.
         Le CIDC fonctionnera de 1979 à 1984. Il permettra effectivement, ce qui
         était impossible auparavant, de faire circuler dans les 14 pays, plusieurs
         films africains (tel que « Finye » de Souleymane Cissé) et de dégager des
         bénéfices qui serviront entre autres, à notre connaissance à soutenir finan-
         cièrement de plusieurs films, dont « Jom » de Ababacar Samb-Makha-
         ram, redevenu réalisateur après son long engagement associatif. Le but
         semblait enfin atteint. Mais c’était sans tenir compte des divergences poli-
         tiques et idéologiques notables des pays concernés.
                 Comme les films étrangers importés pour dégager des recettes dans
         ce marché commun « francophone » étaient tous doublés en français à Paris,
         c’est dans la capitale française que le CIDC établit son bureau d’achat pour
         continuer de façon pragmatique à proroger sans rupture le mode de fonc-
         tionnement de toujours de ce circuit de diffusion. Un réseau ou les bobines
         des films passaient d’une capitale à l’autre dans un système bien rodé, avec
         la différence capitale qu’on pouvait à présent placer des films africains aux
         côtés des films étrangers, jusqu’à présent uniques fournisseurs de recettes.
         Ce fut ce bureau d’achat à Paris qui fut entre autres, semble-t-il, la pierre
         de discorde. Cette structure africanisée installée dans la capitale française
         aurait été qualifiée de « structure néocoloniale » par des pays aux régimes
         dits « progressistes » selon la terminologie de l’époque.  Ce sera un des élé-
         ments qui menèrent finalement à l’éclatement de ce « marché commun »
         qui portait tous les espoirs. La disparition du CIDC a abouti malheureuse-
         ment à une situation bien pire que la situation antérieure avec l’entrée sur
         ce marché des puissants fournisseurs hollywoodiens que les compagnies
         coloniales françaises  avaient  réussi  à  tenir jusque-là  à  l’écart de leur «
         chasse gardée », finalement cédée aux africains, et à la dislocation d’un
         marché assorti d’un désordre généralisé ou abondait désormais le piratage,
         sans plus aucune remontée financière qui reviendrait aux cinémas africains.
         C’est ainsi, selon nous, que le présupposé idéologique et son avatar, le dog-
         matisme, sans proposition de remplacement, a pu malheureusement arriver
         à tuer une approche économique pragmatique, tenant compte des contra-
         dictions existantes dont la finalité pouvait être utile au plus grand nombre.
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