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partie une pensée ou une chose imaginée. Il s'agit plutôt de suggérer que le rôle
des pratiques intellectuelles est d'identifier la crise actuelle de la nation et, en
l'identifiant, de fournir une partie de l'appareil de reconnaissance des formes
sociales postnationales. Bien que l'idée que nous entrons dans un monde post-
national semble avoir été lancée dans les études littéraires, c'est maintenant un
thème récurrent (si ce n'est inconscient) dans les études sur le postcolonialisme,
la politique mondiale et la politique de bien-être international. Mais la plupart
des auteurs qui ont affirmé ou laissé entendre que nous devions penser de façon
postnationale ne se sont pas demandé exactement quelles formes émergentes
nous y contraignaient .
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Dans ce contexte transformé par le changement démographique, la
dispersion et l'appropriation culturelles, les migrations, ainsi que l'économie
mondiale, les films africains sont devenus moins empreints de héros natio-
nalistes. En fait, la plupart des protagonistes ne sont pas seulement des
hommes et des femmes ordinaires ; ils apparaissent également comme étant
principalement des jeunes, comme dans Quartier Mozart (1992, Cameroun
et France) de Jean-Pierre Bekolo ou encore Faat Kine (2000, Sénégal) de
sembène. Au lieu de combattants de la liberté et de critiques sociaux radi-
caux, nous avons maintenant des ivrognes et d'autres personnages comiques
comme dans le Bal Poussière d'Henri Duparc. Dakan / Destinée (de
Mohamed Camara, 1997, Guinée et France), par exemple, est un récit
simple sur deux jeunes gays africains qui ne peuvent pas vivre pleinement
leur sexualité dans un environnement hostile et « conservateur ». On peut
dire la même chose de Karmen Gei (2001) de Joseph Gaye Ramaka, qui
est aussi l'histoire d'une lesbienne/bisexuelle, Karmen, une femme fatale
qui génère le chaos autour d'elle.
Mossane (de Safi Faye, 1996, Sénégal), Ndeysaan, le prix du par-
don, et Tilaï / La loi (1990, Burkina Faso) d'Idrissa Ouédraogo dépeignent
des histoires d'amour tragiques où l'Afrique sert à dépeindre l'émotion hu-
maine. La Vie est belle / Life is Rosy (1987, République démocratique du
Congo) de Mwezé Ngangura traite strictement de la jouissance populaire
de ce que la vie a de mieux à offrir, musique et danse, dans un Zaïre dévasté
où les citoyens n'attendent rien d'un gouvernement corrompu. Dans la même
veine, Quartier Mozart traite de la vie dans un quartier où la politique
sexuelle est liée à la sorcellerie de la manière la plus hilarante qui soit.
Lorsqu'un personnage résume tous les films africains dans Le com-
plot d'Aristote (1996) de Jean-Pierre Bekolo comme étant « de la merde »,
c'est certainement parce qu'ils sont souvent réalistes, linéaires, manichéens,
et d'un niveau technique rudimentaire. Après la « dissidence » esthétique
de Djibril Diop Mambéty dans tous ses films depuis la fin des années