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La construction théorique du cinéma africain
Stephen A. Zacks
Dans ses investigations sur la possibilité d'une philosophie afri-
caine, V. Y. Mudimbe interroge les différents mouvements intellectuels qui
ont influencé le développement du discours africaniste: La négritude, l'exis-
tentialisme sartrien, les écrits missionnaires, l'ethnophilosophie, le structu-
ralisme anthropologique et le nationalisme néo-marxiste fanonien. Une
étude approfondie comme celle que je propose pour l'investigation des cou-
rants idéologiques dans le cinéma et la critique africaine devrait, idéalement,
aborder toutes ces influences. Pour l'instant, j'ai l'intention de faire quelques
généralisations en passant en revue certains des travaux critiques récents
sur le cinéma africain, dont la publication a mis en évidence la nécessité
d'une étude systématique des fondements théoriques du discours sur le ci-
néma africain.
La question opérationnelle controversée qui sous-tend le travail de
mudimbe concerne la manière dont la philosophie africaine pourrait être
positionnée afin d'éviter d'être a priori confinée par les discours occidentaux
qui ont été initialement introduits dans la culture africaine par le biais du
colonialisme, et qui ont défini à l'origine la philosophie comme un champ
de connaissance et une pratique disciplinaire en tant que telle. Il peut être
utile de rappeler comment Hegel a présenté le problème par rapport à la
tradition africaine dans sa Philosophie de l'histoire :
Le caractère spécifiquement africain est difficile à comprendre, pour la raison
même qu'en ce qui le concerne, nous devons tout à fait renoncer au principe
qui accompagne naturellement toutes nos idées et la catégorie d'universalité .
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Sur la base de cette logique, et par la force des institutions générées
dans sa tradition, il est devenu impossible de conceptualiser l'histoire de
l'Afrique autrement que comme une sous-catégorie de celle de l'Europe ; la
pensée africaine, pour autant qu'elle soit reconnue, serait nécessairement
articulée dans des termes qui sortent du siècle des Lumières.
Il serait difficile d'éviter l'implication que tout discours africain
ayant des prétentions philosophiques devrait être intrinsèquement un produit
intellectuel hybride, son effort même pour se lier à la tradition philoso-
phique ayant comme condition préalable une certaine réconciliation avec